Edito

De la haine et des haineux

De la haine et des haineux 1

La Haute autorité des médias et de l’audiovisuel (Hama) a cru bon d’interdire le 9 mars dernier la diffusion « des chansons et autres contenus à caractère haineux et violents » en réponse à une flambée de l’invective sur les antennes. « Ces derniers temps, certains médias audiovisuels diffusent des chansons et autres contenus en français et dans les langues locales de nature à inciter à la haine et à la violence » écrit l’organe de régulation dans sa décision. Il est vrai que le Tchad vit une période de tension. Au nord, à l’Est, au sud, on redoute un embrasement dont les incendies inexpliqués de ces dernières semaines semblent annoncer l’imminence.

Pour les exégèses, la décision de la Hama vise une ou deux chansons en ngambaye, dont l’une, rendue célèbre par l’activiste Takilal Ndolassem. Mais en procédant comme il l’a fait, l’organe de régulation cherche à casser le thermomètre espérant faire baisser la fièvre.

Déjà que sur l’efficacité, la Hama qui connait les limites des radios et télévisions tchadiennes en matière de diffusion, donne un coup d’épée dans l’eau. Le lieu de prédilection de ce genre de discours reste les réseaux sociaux.

Ensuite sur le fond, on se demande bien le contenu que la Hama et les autres défenseurs du régime donnent au terme « haineux » qui englobe toute dénonciation, complainte… Ce faisant, ils se montrent en déphasage avec le chef de la transition lui-même qui semble avoir mieux compris le niveau de colère des masses laborieuses. La tournée que vient d’effectuer le président du Conseil militaire de transition dans trois provinces en ébullition (dont deux ont obtenu le départ de leurs gouverneurs) montre si besoin est qu’il ne faut pas empêcher à l’orphelin de pleurer ses morts.

Il faut le consoler et lui rendre justice.
Ceux que l’on qualifie de « haineux » ne sont que les victimes de la mal gouvernance et de l’injustice qui caractérisent la gestion de ce pays depuis les indépendances. Ce qui reste à faire, c’est de combattre la source de ces maux et non leurs conséquences. Aujourd’hui, même si la censure la plus implacable s’abat sur les médias traditionnels, il ne pourra étouffer les voix de la dénonciation qui ont trouvé sur les réseaux sociaux et internet un espace de liberté. Des haineux, il y’en aura toujours tant que la richesse nationale sera inégalement répartie, tant que les fils de cette nation ne seront égaux en droit et devoirs.
     

                                        La Rédaction