Edito

Edito N°086

Edito N°086 1

Un disque rayé

Même l’observateur le plus sceptique a tendu l’oreille ce vendredi 4 mai 2018 pour entendre le discours fondateur de la 4ème République. Une adresse qui, malgré la solennité qu’on a voulue lui donner, ne marquera pas outre mesure les esprits.

«Je reconnais volontiers que de nombreuses personnes ont bâti des fortunes importantes sur la base du détournement et de la corruption.  Je vous assure, mes chers compatriotes, que cette machine de l’enrichissement illicite et immoral va cesser de fonctionner quelques soit sa marque et sa puissance», a indiqué Idriss Déby Itno. Sous forme de boutade, un internaute a noté que ce sont les plus grands voleurs, présents dans la salle qui ont le plus applaudi.

Plus sérieusement, aucun esprit sérieux ne prendra en compte cet avertissement qui a tout l’air d’un déjà entendu. Déjà entendu depuis au moins 22 ans après le fameux, «la kermesse du désordre est terminée». Cinq ans plus tard, en 2001, au cours de son investiture, le chef de l’Etat lance «impunité, impunité, je n’ai jamais couvert personne». Depuis de nombreuses mises en garde et autres décisions allant de la création d’un ministère, puis d’un organe chargé de lutter contre le détournement et autres prévarications n’y ont rien fait. Le plus grave est que la majorité des procédures initiées se sont ensablé dans les vices de procédures. Il n’existe certes pas de statistiques, mais il sera difficile de convaincre sur l’efficacité des organes chargés de la lutte contre la corruption qui ont fini par devenir des machines de règlement de comptes quand leurs détenteurs ne s’en servent pas pour faire, ô sacrilège, de l’extorsion de fonds.

 Le constat de l’échec est le classement de notre pays à la tête du peloton des nations les plus corrompues par Transparancy International. Plutôt que de faire amende honorable, nos autorités ont versé dans  la dénonciation d’un complot international qui frise le ridicule.

Que pourra Déby face à la puissante machine de la corruption et de l’enrichissement illicite comme il l’admet lui-même ? Ladite machine qui n’est autre que le produit d’un système qui a patiemment et méthodiquement déstructuré l’administration et déconstruit les valeurs morales de la nation. Quel exemple de probité veut-on donner lorsqu’on décide d’élever au rang de deuxième personnalité de la République un individu fraichement sorti de prison où il a séjourné pour complicité de détournement de manuels scolaires destinés aux enfants Tchadiens ? On ne s’en tiendra qu’à ce seul exemple pour rappeler que prétendre combattre la corruption et l’enrichissement illicite dans le Tchad d’aujourd’hui relève de l’incantation stérile. S’en servir comme viatique politique aussi puisque cela reviendra à s’attaquer aux fondements du système lui-même.

Dans l’opinion, une telle annonce suscite scepticisme sinon des quolibets. Sous forme de boutade encore, on répète que «notre pays sortira de la corruption est conjugué au futur impossible». Lui consacrer une telle place dans un discours fondateur d’une nouvelle République revient à jouer un vieux disque rayé comme en témoigne le casting de la nouvelle équipe gouvernementale annoncée le 7 mai 2018.

La Redaction