Edito

Edito N° 032

Edito N° 032 1

La douche froide

Ainsi, les magistrats du Tchad ont eu un courage plutôt rare en déclarant, hors siège que  le décret 631 portant « réduction des indemnités d’une catégorie des agents de l’Etat » est illégal et doit simplement être retiré.

Une fiche à  l’attention du chef de l’Etat a été élaborée par le syndicat des magistrats du Tchad et remise au garde des sceaux, par ailleurs, vice-président du conseil supérieur de la magistrature. Ce qui ressemble à peu près à un recours gracieux formé par les juges eux-mêmes, alors on comprendra aisément leur position en cas d’une éventuelle action en annulation de cet acte.

Au-delà du fait que la grogne des magistrats, qui rejoignent la contestation, est soit un élément affaiblissant pour le gouvernement, la sortie des magistrats est un camouflet pour l’exécutif et particulièrement le ministre secrétaire général du gouvernement, Abdoulaye Sabre Fadoul qui a déclaré le 17 octobre dernier qu’au sujet des réductions d’indemnités, il met «au défi quiconque d’opposer une disposition législative expresse ou un principe juridique tacite établissant une quelconque violation de notre législation ». 

Deux jours plus tard, l’assemblée générale du syndicat des magistrats du Tchad lui répond indiquant que «le décret portant réduction des indemnités d’une catégorie des agents de l’état est illégal, et ce pour plusieurs raisons ». Ils invoquent le fait que le décret en question n’a pas visé la loi de finances, constitue un vice de forme, que le décret signé le 15 septembre ait pris effet à partir du 1er du même mois, est contraire au principe de non rétroactivité des lois. Pour ces deux raisons, l’assemblée générale des magistrats, qui a eu une affluence exceptionnelle a conclu que le décret est illégal et doit être annulé.

Plus offensif, le secrétaire général du syndicat des magistrats, Djonga Arafi assène « C’est à nous magistrats et nous seuls, que la constitution reconnait le droit de dire si un acte est bon ou pas. Aujourd’hui, tous les magistrats du Tchad disent que le décret 631 portant réduction des indemnités d’une partie des fonctionnaires est illégal. Il doit être retiré».

Cette réponse, cinglante des magistrats devrait sonner comme un avertissement aux oreilles du gouvernement que tous les acteurs sociaux appellent à la raison. Même la coalition des syndicats, susceptibles d’accointance avec l’opposition a fini par appeler au dialogue. Mais sans réponse. De nombreux compatriotes, dans la totale discrétion ont saisi les autorités à travers des fiches pour alerter sur l’inopportunité des 16 mesures et faire des contre-propositions. Mais jusque-là, aucun signal ne montre qu’ils ont été écoutés. Pire, la tendance semble au durcissement. Et c’est là où se trouve le risque. A force de foncer tête baissée, le gouvernement coure le risque d’embraser un climat social délétère sauf à vouloir casser le thermomètre…

Or, à entendre les membres du gouvernement qui multiplient depuis lors des sorties médiatisées pour expliquer le bien-fondé de ces mesures, c’est l’ultime nécessité d’une sortie imminente de crise qui a conduit à l’édiction de ces 16 mesures dans l’intêret de tous.   Et si cela est aussi évident comme le prétendent les initiateurs de ces mesures, il serait alors bien souhaitable d’écouter ceux dans l’intérêt desquels elles ont été prises. La crise actuelle est assez profonde et pour en sortir, il faudrait donc impliquer tout le monde. Permettre aux uns et aux autres d’apporter leurs voix au chapitre, pourra conduire à une solution concertée et qui fera l’unanimité. N’est-ce-pas, c’est l’union qui fait la force?

Chercher le cassus beli est une mauvaise option. Il n’aura pour conséquence que d’entamer la paix sociale déjà compromise alors que l’environnement régional et international ne s’y prêtent pas. Que faire lorsqu’on manque d’argument? Faire amende honorable et reculer avec élégance. C’est la seule option qui lui reste, sauf à vouloir coûte que coûte affronter une opinion et des travailleurs plus que jamais déterminés. Ce qui n’est pas bon ni pour le régime, ni pour le pays.   

La Rédaction