Culture

L’icône de la mode tchadienne, J-Rabel a tiré sa révérence

L’icône de la mode tchadienne, J-Rabel a tiré sa révérence 1

J-Rabel, le styliste et l’emblématique directeur artistique du festival de mode Kelou Fashion, s’est éteint ce mercredi 20 novembre 2019 à N’Djaména à l’âge de 46 ans des suites d’un accident de circulation. Celui qui fut l’icône de la mode tchadienne laisse derrière lui, un vide difficile à combler pour de nombreux jeunes tchadiens.

L’annonce de sa mort ce mercredi matin a résonné aux oreilles de nombreux Tchadiens et amoureux de la mode comme un coup de semonce. Le styliste et modéliste tchadien  est tombé ciseaux en main, à fleur d’âge. J-Rabel, la référence. L’histoire retiendra qu’il fut le 1er tchadien à jeter les jalons de la mode. Audacieux, il crée en octobre 2012, le tout premier  festival dédié à la mode au pays de Toumai.

Visionnaire, c’est encore lui qui initie avec le défunt photographe Ritom et quelques amis du secteur le concours de beauté, Miss-Tchad récupéré plus tard par le Ministère de la culture.

De son nom d’état civil Jérémie Ngarbey Mianrabel, l’apprenant de Cotonou, était le disciple d’Alphadi, styliste nigérien de renommée internationale. Il suivra son maitre dans ses caravanes notamment dans le Sahara nigérien, pour l’une des éditions du Festival international de la mode africaine (Fima) pour se parfaire. En 2002, armé d’expériences et de volonté d’innover, il regagne le Tchad, crée sa propre marque, J-Rabel, caractérisée par trois lignes de vêtements axes principaux de recherches et de créations qui sont le Butuku (brut arabe), l’Arafa (inspiré du leader palestinien Yasser Arafat) et le Blazer Bororo. « Malheureusement, cette matière première sera très peu mise en valeur sur le plan national. La quasi-totalité du produit sera exporté brut », relevait de son vivant l’artiste.
Après son séjour au Niger, celui qui a partagé la vie des Touaregs va rendre hommage à sa façon à ce peuple du Niger. Il leur  consacre l’une de ses collections (inspirée de leur accoutrement). Un habillement original très proche des peuls conçu à partir du coton de couleur noir et kaki : « le chèche noir, gris ou violé une écharpe enroulée autour de la tête transporte la personne dans la culture touareg ».

Aujourd’hui, celui qui était une source d’admiration et de motivation pour les amoureux de l’art et de la culture notamment la couture et le mannequinat quitte ce monde alors que beaucoup d’entre eux ont encore besoin de ses expériences.

Né en 1973, Jérémie Ngarbey Mianrabel découvre une passion pour la mode lorsqu’il était en classe de cinquième. Il fait ses débuts dans la couture grâce à la machine à coudre de sa sœur aînée, qui finira par l’inscrire en apprentissage alterné chez Neis Couture, un atelier très en vue d’Ardep-Djoumal, dans le 3ème arrondissement de N’Djamena. « Ma sœur devait payer 10 000 F Cfa [environ 15 euros] par mois pour que je puisse y travailler. Mais, après trois mois, j’étais déjà rentable pour l’atelier. J’y passais des nuits entières… et cela se ressentait sur mes résultats scolaires », se souvient J-Rabel dans les colonnes de Jeune-Afrique.

J-Rabel, c’est aussi J-Rabel, la maison de couture qu’il a fondée et qui est une référence en termes de qualité. La maison qui fait travailler une vingtaine de jeunes. Avec sa brigade, l’illustre disparu confectionne des tenues sur mesures et de très haute qualité. Grand bosseur, le travail de Jérémie est très remarqué. « A N’Djaména, s’habiller chez J-Rabel est un Must, car lui, c’est la class », dit une de ses admiratrices et fidèle cliente. La maison a aussi la confiance de très hautes personnalités du pays qui de temps en temps lui passent des commandes.

Le défi majeur de J-Rabel était de rendre plus grande sa maison de couture. Il y a quelques années, il disait, « Kelou est sur une bonne voix. Maintenant, je souhaite me consacrer à d’autres projets de développement. Un de ses projets, je l’ai nommé Koungouna (cauris). Ce projet aura pour cadre les orphelinats. Je souhaite travailler avec les orphelins, car c’est une couche sociale assez fragile qui mérite d’attention. Je voudrais donner la chance à ces enfants ». C’est suivant cet élan qu’il y a quelques mois, il a formé en partenariat avec l’Université populaire (UP) et l’Ong Essor quelques jeunes défavorisés. Ironie du sort, avec sa mort, ce sont ses enfants à lui qui auront besoin d’être soutenus, car cet homme qui aimait tant ses enfants vient de les quitter pour un voyage sans retour.

Stanyslas Asnan