Le vice-président de Les Transformateurs, le Dr Ndolembai Sadé Njesada, exprime son indignation suite à l’enlèvement de Masra Succès, président du parti, survenu vendredi 16 mai à son domicile au quartier Gassi, dans le 7ᵉ arrondissement. Cet acte, perpétré par des hommes armés parmi lesquels figuraient des éléments de la police judiciaire, a provoqué une vive condamnation. Au cours de cette interview, le Dr Njesada a exigé la libération immédiate du leader politique.
Le Pays : Que pensez-vous de l’arrestation du Président de Les Transformateurs Dr Succés Masra ?
Dr Ndolembaï : C’est un enlèvement ce n’est pas une arrestation car aucune procédure judicaire n’a été respectée. Ils sont venus avec une violence en cassant le portail. C’est irrespectueux et illégal. C’est une machination politique qui doit cesser.
Le Pays : Les raisons évoquées notamment l’élément sonore en Ngambaye et bien d’autres messages qui circulent sont-elles fondées ?
C’est tout simplement ridicule. Si l’on examine la chronologie des événements, ils prétendent que cet enregistrement audio diffère du discours aux armes citoyens en Ngambaye et en arabe datant de mai 2023. Or, je vous l’affirme : il s’agit d’un enregistrement trafiqué par intelligence artificielle. Si vous le comparez à celui publié sur YouTube le 25 mai 2023, vous constaterez qu’il s’agit des mêmes propos, mais altérés.
Pourtant, ce discours remonte à 2023. C’est précisément sur cette base que, le 31 mai 2023, le procureur avait demandé un mandat d’arrêt international contre Succès Masra. Par la suite, l’accord de Kinshasa a annulé ce mandat, ce qui nous a permis de revenir au pays dans le cadre d’un consensus visant à clore la période de transition, laquelle s’est achevée avec les élections de 2024.
D’ailleurs, si un accord a bel et bien mis fin à un mandat d’arrêt lié à un enregistrement supposé appeler à l’autodéfense, en quoi cela constitue-t-il un crime ? Demander à un peuple de se protéger face à un danger est-il répréhensible ? Pourquoi, dans ce cas, avoir signé un accord avec le médiateur de la République et l’équipe d’autodéfense de Meski ? Ces derniers disposent pourtant d’armes de guerre pour défendre leur territoire – une situation anarchique dans un État –, et pourtant, on négocie avec eux. Nous, en revanche, pacifistes, qui n’avons jamais prôné la haine ou les violences, avons été massacrés le 20 octobre 2022. Nous avons dû quitter le pays pour nous organiser, puis nous avons signé un accord pour revenir… et voilà qu’on exhume aujourd’hui un prétendu appel à l’autodéfense pour criminaliser un opposant. C’est une pure machination politique.
Le peuple tchadien est sorti massivement le 6 mai pour voter en faveur du changement. Nous savons que ces élections nous ont été volées, et le président lui-même a reconnu que le peuple aspirait à un changement. Pourtant, douze mois plus tard, aucun progrès tangible n’a été constaté. Bien au contraire : disparitions, exécutions… La question que tout le monde se pose est simple : où est ce changement promis ?
Le Pays : selon certaines opinions, cette arrestation c’est juste pour salir le casier du président Masra pour qu’il ne soit pas éligible aux futures élections, qu’en dites-vous ?
Ce n’est pas la première fois qu’ils tentent de salir la réputation de Masra. Mais lorsqu’on cherche à souiller délibérément ce qui est pur, on finit par se salir soi-même. Quand on s’acharne à humilier un homme juste, c’est à soi-même que l’on inflige la honte.
Quelques semaines avant l’accord de Kinshasa, un haut responsable politique affirmait sur une radio internationale qu’aucun accord ne permettrait le retour de Masra au pays. Pourtant, deux semaines plus tard, ce même ministre se rendait à Kinshasa au nom de l’État pour signer cet accord. Preuve que la parole engage, et qu’il faut la manier avec prudence.
Les mots sont comme un pistolet chargé : parfois, en voulant blesser autrui, on se tire une balle dans le pied sans même s’en rendre compte. Je mets donc en garde tous ceux qui cherchent à nous nuire – le Dieu de la justice veille.
Le Pays : Quelle est votre lecture du climat politique au Tchad ?
La situation nationale est extrêmement tendue sur tous les fronts. Socialement, le pays est paralysé ; économiquement, nous sommes au point mort ; et politiquement, on ne fait qu’attiser les tensions. Le peuple, poussé à bout, est sur le qui-vive. Nous l’exhortons à garder son sang-froid tout en demeurant vigilant.
Nous exigeons la libération immédiate et sans condition du président Succès Masra, condition sine qua non pour apaiser les esprits et permettre à notre nation de se relever économiquement et socialement. Il est vain de chercher à étouffer toute voix discordante : une telle entreprise est non seulement antidémocratique, mais surtout vouée à l’échec.
C’est précisément dans le dialogue et la confrontation des idées que naissent les solutions les plus fécondes pour notre pays. Le pluralisme des opinions, le débat contradictoire – voilà l’essence même de la démocratie. Continuons à nous battre pour préserver ces principes fondamentaux.
Le Pays : Dans quel état d’esprit sont aujourd’hui les transformateurs ?
La situation actuelle place chacun en état d’alerte et de vigilance extrême. Il est tout simplement inacceptable que de tels actes puissent se reproduire impunément. Alors que nous étions engagés dans un dialogue avec le président de la République, voilà que, du jour au lendemain, on procède à l’enlèvement de notre leader politique.
Cet acte en dit long sur la mauvaise foi de certains. Qu’ils le sachent cependant : l’esprit des Transformateurs reste indéfectible. Tant que justice ne sera pas rendue, tant que l’égalité entre tous les Tchadiens ne sera pas établie, nous ne dévierons pas de notre cap. Nos objectifs demeurent inchangés.
Interview réalisée par Makine Djama