Edito

Edito N°104: « Nous sommes fatigués »

Edito N°104: « Nous sommes fatigués » 1

« Nous sommes fatigués »

Un élu que l’auteur de ces lignes a l’habitude de fréquenter a répondu de la manière la plus sincère à son interpellation sur son absentéisme au sein du parlement. La remarque suscitée par le nième report de la séance du 11 octobre 2018.

« Tu sais cher ami, nous sommes fatigués, lassés par le sentiment de ne servir à rien ». La sincérité du propos n’a d’égal que le sentiment d’une profonde lassitude qui se ressent au sein de toute la classe politique. Vendredi dernier à la rentrée politique du cadre national de dialogue politique, des reporters ont été priés de s’asseoir derrière les invités pour donner l’impression aux objectifs des caméras qu’il y’avait du monde. Pourquoi ceci ? Notre système politique, victime d’une présidence intégrale qui a été légitimée en mai dernier mais qui de fait, a cours depuis bien longtemps, est sclérosé, incapable de la moindre initiative sans l’aval du Président de la République seul vrai maître du jeu.

Après une législature aussi élastique qu’improductive, les élus ont le moral dans les chaussettes. Aujourd’hui, ils se retrouvent réduits à entériner des ordonnances prises de façon unilatérales sans avoir la capacité d’amender ou de retoquer. Ils ont même perdu la possibilité d’interpeller l’exécutif sur ses faits et gestes.

Il en est de même de la classe politique qui est réduite à surveiller les humeurs du chef de l’Etat pour essayer d’obtenir des concessions sur telle ou telle autre décision. Le Cadre national de dialogue politique, organe censé jouer les métronomes de la vie politique pré élection ressemble lui aussi à une foire où chaque membre vient guetter la moindre opportunité sans se préoccuper de l’essentiel, les élections à venir.

Tout ceci parce que patiemment, Idriss Déby a réussi au fil des ans à déstructurer pan par pan l’architecture Républicaine de notre Etat. Aujourd’hui rien ne se décide et ne peut se décider sans l’aval du chef. Aux dernières nouvelles, même le cachet du « bon à payer » se trouverait dans ses bureaux.

Mais jusqu’où pourra arriver notre chef avec autant de pouvoirs à lui seul ? Pourrait-il tenir le rythme qu’imposent les charges de, chef de l’Etat, chef du gouvernement, chef suprême des armées alors qu’il n’a plus quarante ans ? Autour de lui, l’inquiétude grandit.

Au-delà de sa personne, le chef de l’Etat doit déléguer, laisser des marges de manœuvres pour que le jeu politique et partant démocratique s’exerce dans sa plénitude. Aujourd’hui, tout le monde attend qu’Idriss Déby donne le la avant de suivre. S’il ne bouge pas, personne ne bouge. A ce rythme, lui-même finira par se fatiguer comme il a fatigué son personnel politique.

La Rédaction