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Gabon: Le temps des urnes et des projets

Gabon: Le temps des urnes et des projets 1

Le 26 août 2023, 846 000 électeurs sont appelés aux urnes pour désigner leur président de la République, leurs parlementaires et leurs élus locaux, dans ce pays de moins de 3 000 000 d’habitants.

À l’occasion de ces élections générales, ils devront arbitrer entre les projets de société soumis à leur appréciation depuis le 12 août 2023, date de l’ouverture officielle de la campagne électorale.

Le processus électoral qui s’amorce, espérons-le, se déroulera dans une atmosphère d’apaisement et de consensus comme ne l’ont malheureusement guère été les échéances électorales précédentes, depuis l’instauration du pluralisme politique en 1990.

En 1993 se tient la première élection présidentielle de l’ère démocratique au Gabon sous la présidence d’Omar Bongo Ondimba, candidat à sa propre succession. La contestation de sa victoire fit basculer le pays dans un cycle de violences qui auront conduit le Gabon au bord de l’implosion. Les « Accords de Paris » conclus entre les principales forces politiques se traduisirent par un partage du pouvoir et permirent un retour à la paix.

Le décès, en 2008, d’Omar Bongo Ondimba installe de fait le Gabon dans une guerre de succession larvée dont le point d’orgue sera l’élection présidentielle anticipée de 2009.

Dans un scrutin à un tour s’affronteront les « frères jumeaux » de la scène politique gabonaise : Ali Bongo Ondimba, alors ministre de la Défense, et André Mba Obame, ancien ministre de l’Intérieur, en rupture de ban avec le Parti démocratique gabonais dont il fut un hiérarque jusqu’au décès du chef de l’État précédent. Le second contestera farouchement la victoire du premier et verra sa formation politique dissoute. Il prit alors le chemin de l’exil dont il ne rentrera pas vivant, miné par une longue maladie.

Sept années plus tard, on aurait espéré un scrutin plus apaisé au terme du mandat du candidat sortant, Ali Bongo Ondimba. Mais, à mi-mandat, sa volonté de se représenter à la prochaine présidentielle se heurte à une violente polémique sur la réalité de sa nationalité gabonaise et l’authenticité de son acte de naissance. Durant cette séquence, on débattit moins du Gabon que d’un homme. Les principales forces de l’opposition gabonaise et des acteurs éminents de la société civile, regroupés dans une large coalition autour de la candidature unique de Jean Ping, plusieurs fois ministre d’Omar Bongo Ondimba et ancien président de la Commission de l’union africaine, contestèrent les résultats de la Cour constitutionnelle qui proclamèrent vainqueur Ali Bongo Ondimba, sur fond de violences, de nombreuses pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels.

La campagne électorale de la prochaine élection présidentielle est à peine lancée que, le 8 août 2023, cinq candidats déclarés ont rencontré le représentant du Secrétaire général des Nations unies pour l’Afrique centrale, le Nigérien Abdou Abarry, afin de voir l’Onu veiller sur la régularité et la transparence du prochain scrutin.

Le 12 août 2023, c’était au tour du Conseil constitutionnel de se prononcer, à la requête,  sans succès, des candidats de l’opposition qui contestent le choix du bulletin de vote unique par le Centre gabonais des élections (Cge). Car, estiment-ils, « cette procédure contraint l’électeur qui aura porté son choix sur un candidat à la présidentielle de désigner un parlementaire ou un élu local de la même mouvance politique sur le même bulletin ».

Les règles du jeu sont donc définitivement établies, en dépit des insatisfactions relevées. La place  doit donc désormais être faite au débat d’idées et à la confrontation des projets de société.

Les principaux candidats à l’élection présidentielle préfèrent garder plusieurs fers au feu. Tout en émettant des réserves sur le processus électoral, ils ne s’emploient pas moins à mutualiser leurs forces pour maximiser leurs chances de victoire. Le jeu des alliances au sein de l’opposition est d’autant plus ouvert que deux poids lourds ne seront pas sur la ligne de départ, à savoir Jean Ping et Guy Nzouba-Ndama. Mettant à contribution cette liberté d’initiative, Bertrand Zibi Abeghe apporte son soutien à Hugues Alexandre Barro Chambrier du Rassemblement pour la patrie et la modernité (Rpm). Les démocrates de Guy Nzoumba Ndama ont officialisé leur soutien à Paulette Missambo de l’Union nationale.

Au sein de la société civile, des appels se font pressants pour une candidature unique de l’opposition entre les membres de la plateforme Alternance 2023. Mais le terrain des idées et des projets est celui sur lequel les candidats sont prioritairement attendus.

Ali Bongo Ondimba a fait le choix de proposer à ses compatriotes des horizons nouveaux et « tournés vers les priorités des Gabonais » que sont la santé, le coût de la vie, l’emploi et l’éducation. Le concepteur du « Plan stratégique Gabon émergent » ne perd pas de vue que l’on ne se fait pas réélire à une élection présidentielle sur son seul bilan. Ce d’autant plus que son septennat aura été traversé par nombre d’aléas, notamment ses soucis de santé et la pandémie de la Covid-19.
La société civile n’est pas en reste dans son rôle de veille et de propositions. C’est dans cette optique que l’économiste Mays Mouissi a récemment publié un rapport intitulé 105 promesses, 13 réalisations. Le bilan du second septennat d’Ali Bongo Ondimba. Ce travail d’inventaire, au-delà des appréciations divergentes qu’il suscite, a le mérite d’inscrire le débat politique au cœur des préoccupations des Gabonais.

Pays phare du bassin du Congo, 54 % de sa population est âgée de moins de 25 ans, le taux de chômage est de 21,5 % et plus d’un habitant sur trois vit en dessous du seuil de pauvreté selon les évaluations les plus récentes des institutions multilatérales des Nations unies, notamment la Banque mondiale et le Programme des Nations unies pour le développement.

La campagne électorale devra donc résolument, dès à présent, mobiliser davantage les citoyens sur le terrain des idées et des projets, comme certains candidats ont commencé à le faire avant son ouverture officielle.

Éric Topona Mocnga, journaliste à la Deutsche Welle.