Edito

Edito N°059

 Edito N°059 1

L’ami Abdéramane

C’est sans doute une des saillies qui aura marqué la valse de réactions autour de l’attaque contre les forces de défense et de sécurité le 19 août aux environs d’Ounianga Kébir.

La conférence de presse organisée le 25 août, l’ancien porte-parole de la rébellion, Abdéramane Koullamalah a porté l’estocade contre les auteurs de l’attaque présentés comme des forces rebelles tchadiennes basées en Lybie et financées par le Qatar. Le président de l’Union Démocratique Tchadienne lui est allé plus loin, avec la verve qu’on lui connaît, citant Daesh comme le mentor de ceux qui cherchent à renverser l’allié d’aujourd’hui, Idriss Déby.

Il faut rappeler que le désormais quinquagénaire qui fut patron de la jeunesse de l’Unir et traitait à cette époque la rébellion du Mps de « légion islamique » est devenu par la suite chef de parti politique. Un temps dans l’opposition, un autre dans la majorité, l’homme a fini  par basculer dans le maquis devenant le porte-parole de la coalition qui est arrivée aux portes de la présidence à N’Djamena le 2 février 2008.Ce jour-là, il avait évoqué Idriss Déby au passé et disait qu’il nettoyait la capitale.

Rentré au pays en 2010 après la défaite de la rebellion, il passe par la case prison, est gracié et libéré, rejoint l’opposition à nouveau puis la majorité à la veille de la présidentielle d’avril 2016. Dans sa charge contre ses anciens amis restés dans la rébellion qui s’est poursuivie sur les réseaux sociaux, Abdéramane Koullamah écrit « Les groupes armés tchadiens se trouvant en Libye sont des alliés de ces groupes djihadistes extrêmement dangereux ! Renverser Idriss Deby ne justifit pas une telle dérive. Que mes anciens amis se ressaisissent et abandonnent ce chemin tortueux aux lendemains incertains ! Pour combattre Idriss Déby, il n’est pas question de mettre en péril la République en amenant le loup dans la bergerie ! Alors je combats cette démarche suicidaire ! Le Tchad n’est la priorité (sie) de personne et c’est notre bien commun ! Et puis de toutes les façons les armes n’ont jamais rien résolu au Tchad et n’ont généré que des dictatures et des guerres civiles interminables, il est temps de passer à autre chose et je suis passé à autre chose».

Au journal Le Pays, nous voulons bien le croire et espérer qu’il ait raison. La pratique n’est courante chez votre hebdomadaire qui se méfie même des portraits de compatriotes qui font des choses positives pour la nation. Mais en décidant de consacrer cet éditorial au parcours de cet homme politique, nous avons voulu faire remarquer une inconstance qui, même si la politique est le champ du revirement par excellence, le décrédibilise et rend son propos inaudible. Abdéramane Koullamalah est certes un brillant orateur  et peut être bon politicien mais il n’est pas crédible. Point d’animosité ou de comptes personnels à solder avec l’ami Abdéramane. Le propos ici est une invite à la classe politique à plus de sérieux et à de la constance dans l’engagement. La désaffection pour la politique et les politiciens vient de cette pratique qui n’est pas l’apanage du sujet de cet éditorial. C’est notre appel à la classe politique dans sa globalité cette semaine.

La Rédaction