Edito

Abéché, les conséquences du clientélisme politique

Abéché, les conséquences du clientélisme politique 1

Dieu seul sait, à l’heure où ces lignes sont écrites, comment se terminera ce qui se passe à Abéché après les répressions des 24 et 25 janvier qui ont causé la mort de dix-neuf personnes et fait plus de quatre-vingt-seize blessés. A l’heure, le sultan du Dar Ouaddaï et le chef de canton Bani Halba sont suspendus par la délégation gouvernementale dépêchée sur place.

A l’origine, la nomination d’un chef de canton dont l’intronisation est prévue ce 29 janvier a suscité la contestation d’une partie de la population, du reste, venant en majorité de la périphérie de l’agglomération. Malgré des pourparlers avec les autorités, la contestation a enflé pour se retrouver dans la rue et a très vite dépassé les forces de premier et deuxième degrés. En réponse, ce sont des balles réelles qui ont abondamment arrosé le secteur où se trouvaient les contestataires avec le bilan que l’on sait.

Cette situation illustre à merveille le niveau de déliquescence de l’Etat qui ne représente plus, aux yeux des citoyens le recours en dernier ressort face à l’injustice ou quand il s’agit de chercher à se protéger. Pour le cas précis de cette ville martyr, le fait que l’ancien régime se soit mêlé d’une affaire de sultanat et imposé par la force une autorité qui n’est qu’un collaborateur a laissé un passif. Un passif qui se paie en affrontements intercommunautaires, rébellion face à l’autorité de l’Etat comme on le constate.

Le propos n’est pas d’incriminer les parties en conflit mais inviter à un retour aux fondamentaux. En trente ans de règne, Idriss Déby a multiplié les chefferies et cantonats, parfois sans aucune assise territoriale, à des fins électoralistes. Cette pratique qui s’est généralisée a affaibli l’administration et favorisé l’émergence d’une élite politique qui ne connait que la corruption et l’usage des méthodes tordues.

A l’heure du dialogue et de la recherche de la réconciliation nationale, de telles questions doivent être traitées sur des bases objectives. Il faut interroger l’histoire et la sociologie pour apporter des réponses à ces communautés qui partagent le même territoire depuis des siècles. Pour l’humble berger ou le cultivateur dans ses champs, la préoccupation première n’est pas l’existence ou non d’une chefferie. Son souci principal, c’est de travailler dans la paix pour avoir de quoi se nourrir, se vêtir et élever ses enfants. Ce devrait être l’objectif de tout engagement politique sérieux.

La Rédaction