Edito

Quand le prof incorruptible rend les copies

Quand le prof incorruptible rend les copies 1

Les révolutionnaires des années 1970 qui ont pris les armes contre la « dictature néocoloniale » en place à N’Djaména et promis la libération totale du Tchad de l’oppression et leurs héritiers doivent se mordre les doigts à la vue des populations de Faya-Largeau battant la cadence dans les rues pour exiger le départ du gouverneur, complice selon eux de l’insécurité que subissent les opérateurs économiques. Après avoir bloqué pendant quelques jours le mouvement des véhicules de transport de marchandises, les populations ont pu interpeller les brigands qui interceptent les commerçants en route pour la capitale et sans surprise, il s’agit de militaires en opération dans le septentrion. Dans une vidéo, ils reconnaissent être des éléments d’un général connu…

Dans la foulée, des images de tortures et de graves violations des droits de l’homme supposées avoir été perpétrées dans le nord du pays ont abondamment été relayés sur les réseaux sociaux suscitant une indignation générale.

Les deux scènes illustrent l’échec de la gouvernance du Tchad et montre si besoin est que pour le Conseil militaire de transition (Cmt) et le comité d’organisation du dialogue national inclusif (Codni), la tâche qui consiste à créer les conditions de la refondation du Tchad post Idriss Déby est très compliquée.

Le Tchad d’aujourd’hui, n’est presque pas un Etat, moins encore une nation dans son acceptation juridique et politique. A tout le moins, ce qui représente encore l’Etat a été détruit par une gouvernance marquée par le clientélisme, la prédation par les tenants du pouvoir (Ndlr : Après Toumaï Air Tchad, l’Imprimerie du Tchad vient de mettre la clef sous le paillasson grâce à la maestria de Zakaria Déby).

Ce style de gouvernance de la part de ceux qui prétendaient combattre l’injustice a fini par porter un coup de grâce à la volonté de vivre ensemble, pourtant fortement souhaitée mais qui a fini par être considérée comme une pantalonnade par la majorité de nos compatriotes.

Aujourd’hui, à la lecture de ce tableau qui n’est que le rendu objectif de ce que nous avons vécu, le challenge pour les tenants de la transition et ceux qui organisent le dialogue est de répondre aux questions que pose l’objectif professeur qui est l’histoire : Quel est le bilan des 40 ans de règne du Frolinat ou plutôt de ses excroissances que sont l’Union national pour l’indépendance et la révolution (Unir) et le mouvement patriotique du salut (Mps) ? Quel a été leur effort en termes de construction de la nation et de la justice sociale contre laquelle ils ont pris le pouvoir ? Pourquoi après quarante ans de règne, ils n’ont pas été capables d’implanter l’Etat et ses services dans le Borkou –Ennedi – Tibesti qui restent les parents pauvres de toutes les provinces alors que leurs ressortissants détiennent depuis quatre décennies les leviers de la politique et de l’économie ? Pourquoi cette partie du territoire et ses ressortissants ne sont pas toujours soumis aux mêmes lois et règlements que les autres provinces ?

Répondre à ces questions fondamentales permettra d’amorcer un début de contrat social. L’éviter, c’est passer, encore une fois, à côté de l’histoire qui elle, rétribue chacun, sans complaisance, selon ce qu’il aura semé.

La Rédaction