Politique

« Celui qui me torturait m’a demandé pourquoi je n’ai pas pleuré le jour de la mort de Déby »

« Celui qui me torturait m’a demandé pourquoi je n’ai pas pleuré le jour de la mort de Déby » 1

Arrêté hier lors de la marche pacifique contre la junte au pouvoir, le président du Parti réformiste (Pr) Yacine Abderamane Sackine a été torturé par les forces de sécurité avant d’être libéré ce matin. Face et dos complètement enflés, l’opposant qui parle à peine revient sur les conditions de son arrestation et relate les sévices subis.

Pourriez-vous revenir brièvement sur les circonstances de votre arrestation et sur ce qui s’est ensuite passé ?

Nous avons manifesté hier comme les autres manifestants avec les militants et sympathisants du Parti Réformiste, les membres des partis politiques de l’opposition et de la société civile. On s’est retrouvé au niveau de la maison de la femme comme point de départ pour arriver jusqu’au rond-point de Dembé pour rejoindre les autres manifestants. Arriver là-bas, la police nous a dispersés par des grenades lacrymogènes. Ensuite on m’a arrêté et conduit au rond-point de Dembé où presque tous les hauts gradés de la police nationale étaient là. Ils m’ont fait comprendre que la marche a été interdite et pourquoi on continue à manifester ? Je leur ai dit qu’au sien de la plateforme Wakit Tama, nous ne reconnaissons pas le Conseil militaire de transition donc nous ne pouvons pas adresser au ministre de la sécurité publique une demande d’autorisation. Ils ont commencé à me parler de la paix et de l’unité. Je leur ai dit que nous sommes tous pour la paix et nos réclamations n’ont rien à voir avec ce qu’ils avancent.

Qu’est ce qui s’est ensuite passé ?

Ils m’ont fait ensuite descendre de la voiture pour me conduire dans une autre voiture. Ils m’ont bandé les yeux avec le drapeau de la France pour me conduire dans un endroit que j’ignore. Ils m’ont ensuite frappé sauvagement pendant plus d’une heure. Celui qui me torturait m’a demandé pourquoi je n’ai pas pleuré le jour de la mort de Idriss Deby Itno. On m’a amené au Csp12 à côté de Lamadji où j’y ai passé la nuit. Le matin, ils m’ont fait comprendre que je suis libre. Incapable de marcher, je leur demander comment puis-je faire pour rentrer dans cet état. C’est ainsi qu’un agent de la police m’a demandé de lui donner le numéro téléphone d’un membre de ma famille qu’il va appeler. Je leur ai donné le numéro de mon frère qu’il a appelé et il est venu me chercher pour me conduire directement à l’hôpital. Actuellement, j’ai mal partout. Je ne peux pas bouger et c’est compliqué.
J’ai compris hier que le Conseil militaire de transition est pire que le régime Mps. Comment peut-on comprendre qu’on arrête un chef d’un parti et on le torturer de la sorte parce qu’il a exprimé son droit constitutionnel. Les recommandations de l’Ua sont claires : « les manifestants et les gens qui marchent pacifiquement ne doivent pas être touchés.
La plateforme n’est-elle pas fragilisée avec la défection des quelques partis politiques ?
En tout cas c’est leur problème, moi je parle en tant que chef d’un parti politique et au niveau de notre parti nous avons décidé de rester dans Wakit Tama. Ce que j’ai subi renforce ma détermination à continuer cette lutte, car la situation actuelle est importante et nous n’allons jamais accepter ce qui se passe. La situation est compliquée sur tous les plans et la dictature continue. Nous rejetons catégoriquement la continuité de la dictature et de la misère. Maintenant les Tchadiens doivent décider de changer leur vie avec la lutte qui est le seul choix qui peut les libérer. Nous devons assumer notre responsabilité quoi qu’il en soit car torturer un homme politique, c’est une habitude pour ces gens. Deby père nous a torturés et maintenant Deby fils est venu pour nous arrêter et torturer. On comprend maintenant que le pays est dirigé par un régime dictatorial mais on ne peut pas laisser cela passer.

Stanyslas Asnan & Rémadji Allégresse, stagiaire