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Délivrance de la carte d’identité nationale : le calvaire des demandeurs

Délivrance de la carte d’identité nationale : le calvaire des demandeurs 1

L’accès à la carte d’identité nationale est de plus en plus difficile. Du processus d’avoir le quitus, la biométrie jusqu’à l’obtention de cette pièce seuls les courageux parviennent à l’obtenir.
ll est 03h du matin ce vendredi du mois d’août. Nous sommes devant le centre d’accueil des usagers de Chagoua dans la commune de 7ème arrondissement. A côté d’une cabane de grillade de viande, trois jeunes assis à même le sol discutent : «il sera 04h du matin bientôt, cherchons à nous mettre en rang», recommande l’un d’eux tenant en main une liste de demandeurs de carte d’identité. «Nous avons fait cette liste à 01h. Tous ceux qui étaient présents doivent être d’abord dans le rang», ajoute Mbainaïsem Jacques. Pour se rassurer de la présence de ses camarades, il procède à l’appel. Peu après, le nombre de demandeurs augmente avec l’arrivée de nouveaux usagers. «Je suis à ma cinquième nuit devant ce centre. C’est toujours les mêmes histoires. Aujourd’hui, c’est mon tour ou rien», lance un autre usager, déterminé. Le temps passe et la queue s’allonge. A 05h du matin, une moto s’immobilise. Deux personnes descendent et s’alignent précipitamment à la suite du rang qu’ils trouvent déjà long. «Hier je suis arrivé ici à 6h avec l’espoir d’être parmi les 20 premiers. Aujourd’hui, c’est la même histoire. Surtout qu’on ne peut enrôler plus de 20 personnes par jour», constate-t-il avec une pointe de désespoir. De l’autre côté de la rue, l’agent de sécurité tente de rassurer : «ils ne prennent que 20 hommes et 10 femmes par jour. Vous feriez mieux de rentrer au lieu de rester dans le rang pour rien», indique-t-il. Des réponses qui soulèvent des interrogations chez les demandeurs. «Nous sommes aussi tchadiens comme les autres. Qu’ils fassent à ce que nous soyons tous enregistrés», se lamente un demandeur. Des plaintes que l’on entend partout, qu’il s’agisse des cartes nationales d’identité ou des passeports et autres documents dont la délivrance a été confiée désormais à l’Agence nationale des titres sécurisés (Anats). «Ces gens se moquent de nous. Certains sont enrôlés sans être passés par le rang et nous, on nous dit de rentrer pour revenir demain. Je ne sais pas comment peut-on faire pour vite avoir la carte», s’emporte Bourma Ali Mahamat. Dans le rang, les esprits s’échauffent alors que le jour se lève. A 08h arrive le chef de centre d’accueil des usagers. «Nous n’avons besoin que de 20 hommes et 10 femmes», lance-t-il. Peu après avoir intégré le centre, un contrôle s’impose pour la vérification de dossiers. «Ici on vous donne les fiches de renseignement gratuitement. Ne vous laissez pas escroquer par ceux qui vous distribuent les fiches dans les quartiers et surtout prenez le soin de remplir ces fiches normalement», recommande-t-il. Entre racket et business Selon les demandeurs, le trafic d’influence et la corruption ont pris le dessus dans ce service public. «Si tu as de relations dans ce service, il faut passer par lui, au cas contraire, il faut passer la nuit pour avoir la chance d’être enrôlé», conclut un demandeur. Tout mouvement de mécontentement devant le centre d’accueil est systématiquement réprimé par les agents de prévention et de sécurité (Aps) et les éléments de la garde nationale nomade du Tchad. «Gardez votre rang pour qu’il n’y ait pas de désordre», lance un agent. Au fur et à mesure que les heures avancent, on constate que grâce à un coup de fil, des bouts de papiers glissés aux agents, des usagers qui ne se sont pas alignés sont introduits au grand dam de ceux qui poireautent sous le soleil. Certains payent plus pour pouvoir passer. D’autres n’ont pas de chance même après avoir déboursé plus. «J’ai remis 10.000 francs, jusqu’aujourd’hui on me demande toujours de patienter», témoigne un demandeur. Un autre d’expliquer que le processus lui ayant permis d’avoir sa carte d’identité nationale qui n’est pas correct. «La logique voudrait que, une fois déposé les cinq mille francs à la banque, le quitus est donné, mais c’est le contraire. J’ai remis 15.000 francs à mon parrain qui à réussit à m’introduire», raconte-t-il.

Nguelsou Balgamma