Politique

« Il faut que le secteur télécom soit ouvert avec une gouvernance efficace et une régulation orientée vers la neutralité technologique qui favorise la concurrence »: Idriss Saleh Bachar

« Il faut que le secteur télécom soit ouvert avec une gouvernance efficace et une régulation orientée vers la neutralité technologique qui favorise la concurrence »: Idriss Saleh Bachar 1

Plan stratégique de développement numérique, accès à la téléphonie mobile, situation de la société tchadienne des télécommunications (Sotel) et de la Poste, le ministre des postes et de l’économie numérique Idriss Saleh Bachar aborde ces questions pour votre hebdomadaire. L’entretien a été réalisé juste avant la mesure limitant l’accès à certains réseaux sociaux.
Un atelier de validation du plan stratégique de développement du numérique (2020-2030) des Tics a eu lieu mi-juillet. Quelles sont les principales conclusions ?
Suite au plan d’actions que nous avons présenté au Maréchal du Tchad en 2019, il a été demandé qu’il y ait une sorte des états généraux du secteur télécom et à la suite du forum sur le Tchad numérique qu’on avait organisé la même année, il a été demandé d’élaborer un plan stratégique pour la décennie 2020-2030. Pour revenir à votre question le plan stratégique c’est ce que nous voulons atteindre en matière de nouvelles technologie de l’information et de la communication dans une économie diversifiée et résiliente d’ici 2030 avec l’objectif primordial que celles-ci contribuent entre 10 à 15% à l’économie.
L’Etat seul ne peut pas développer les TIC, donc nous avons près de 300 projets qui sont orientés sur plusieurs axes allant du privé au public. Il y’a des axes comme les services universels, la e-éducation. Pour les axes liés au privé, nous allons chercher des partenaires par des tables rondes avec l’appui du ministère de plan pour mobiliser les ressources nécessaires pour financer ces plans stratégiques. Vous conviendrez avec moi qu’aujourd’hui les TIC sont un secteur porteur et c’est à nous de savoir vendre le Tchad. Le coût global de ce plan stratégique est de 1,452 milliards de Fcfa.
La pandémie du coronavirus a été une occasion pour évaluer l’utilité des Tics au Tchad. Quelles leçons peut-on en tirer même si nous n’en sommes pas encore sortis ?
Par rapport au Covid-19 nous avons lancé deux plateformes pour les jeunes dans le domaine de l’enseignement en collaboration avec le ministère de l’éducation. Cette expérience nous a permis de réaliser qu’il y’a un véritable problème d’accès et de coût à internet. Ce qui ne nous a pas permis d’avoir les résultats escomptés. Je peux dire que moins de 30% des élèves ont eu accès à ces cours. Mais les cours diffusés via la radio et télévision ont fait le reste.
Pour que internet soit vraiment accessible, il faut une infrastructure de transmission c’est pourquoi l’Etat est entrain de déployer des réseaux de transmission sur toute l’étendue du territoire, je veux parler de la fibre optique. Nous avons aujourd’hui à peu près 2200 kilomètre de fibres optique. Nous sommes en train de travailler avec le partenaire Huawei pour que d’ici 2021 nous ayons à peu près 2300 kilomètre de fibres supplémentaire. Ce qui va alléger le problème d’accès. Après, il faudra travailler sur les coûts. L’Etat a fait des efforts en allégeant ou en supprimant certaines taxes. Les opérateurs aussi doivent faire plus d’efforts même s’il y’a eu un début d’allègement en 2019 et au début 2020. Je crois que vous avez remarqué les réductions sur tout ce qui est ofnet, olnet et internet. Aujourd’hui, nous sommes à 20% d’utilisateurs internet sur les 15 millions de Tchadiens, en 2014 nous étions aux alentours de 2% ce qui veut dire que les efforts sont en train d’être faits mais il faut que ces résultats soient orientés dans le bon sens.
Pour revenir au plan stratégique, on note qu’il n’y a pas d’orientation vers la recherche et l’innovation. Ne faites-vous pas fausse route ?
Un des axes majeurs de ce plan stratégique est le renforcement des ressources humaines et nous avons voulu mettre un accent particulier sur la recherche et l’innovation. Tant qu’on ne développe pas ces deux volets on ne peut pas atteindre nos objectifs. C’est la raison pour laquelle les projets qui sont orientés vers ces volets sont orientés à l’Enastic (école nationale supérieure des technologies de l’information et de la communication) et sont estimés à environ 36 milliards de Fcfa à mobiliser sur dix ans.
C’est maintenant seulement que le pays s’intéresse au transfert monétaire via la téléphonie. N’est-ce pas un réveil tardif ?
Le Tchad a adhéré aux directives sous régionales et sur le plan pratique, chaque pays est souverain pour implanter ces réglementations. Le Tchad a voulu un moment donné, laisser le système ouvert et aujourd’hui nous sommes en train de travailler pour que le système soit ouvert, accessible à tout le monde e facilite l’inclusion financière. C’est pourquoi nous travaillons par exemple avec la Poste pour atteindre plus de Tchadiens et plus particulièrement ceux du monde rural en préservant la souveraineté de l’Etat.
Cela fait bientôt deux ans que seulement deux opérateurs se partage le marché de la téléphonie mobile. Ce duopole n’est-il pas défavorable aux consommateurs ?
Nous avons remarqué après une étude réalisée en 2018-2019 qu’il y’a un duopole et pour casser cette situation, la régulation a utilisé des outils qui nous ont permis d’avoir la réduction de certains tarifs. Maintenant ce qui est important, il faut que le secteur soit ouvert avec une gouvernance efficace et une régulation orientée vers la neutralité technologique qui favorise la concurrence. Si on lance aujourd’hui un appel d’offre, il faut que les partenaires soient sûrs que le marché tchadien soit un environnement stable et rentable. Il faut aussi que leurs demandes ne prennent pas du temps et nous devons faire en sorte de les rassurer que leurs investissements auront des retombées.
Quelle est la situation de la Sotel ?
Nous n’avons pas encore les bilans consolidés de 2019-2020 mais il faut admettre qu’il y’a eu des problèmes de gouvernance. Cela est dû à l’attitude de l’actionnaire unique, l’Etat donc, qui a privilégié le social au business. C’est ce qui explique le fait que la Sotel-Tchad est un peu décalée du marché tchadien.
Et la Poste ?
Aujourd’hui on peut dire que la poste Tchadienne se porte mieux qu’hier parce que dans le cadre de notre plan d’action, nous avons inscrit quatre nouveaux services et nous espérons faire un état de lieu d’ici la fin de l’année, mais nous sommes optimistes. Nous avons mis à niveau le centre des chèques postaux et les trois services sont pratiquement nouveaux. Il y’a le transfert d’argent en partenariat avec Wari ; le deuxième service est le courrier rapide dédié aux entreprise privées et publiques ; le troisième c’est un ancien métier de la poste, la boite postale mais nous avons voulu que l’accès à la boite postale soit allégé et que les abonnés puissent accéder facilement à leurs courriers.
Pour rattraper le retard causé par l’arrivée du numérique, nous avons octroyé deux licences à la poste. La première licence pour lui permettre d’être fournisseur d’accès internet et la seconde licence pour lui permettre d’être un opérateur postal virtuel. Nous pensons que d’ici 2021 la poste pourra mettre à la disposition de sa clientèle des services digitalisés. Sur l’aspect financier, une étude a été faite pour la création d’une banque postale tchadienne. Le plus important est que la Poste soit digitalisée, qu’elle arrive à mettre à la disposition de sa clientèle des services diversifiés et particulièrement le service digital.

Interview réalisée par MN