Edito

Le Tchad est «un champ de fil»

Le Tchad est «un champ de fil» 1

Encore une fois, le gouvernement a fait le mauvais choix en cherchant à casser le thermomètre espérant faire tomber la fièvre. Telle pourrait se résumer la situation ayant conduit à la limitation de l’accès à WhatsApp sur tout le territoire et la coupure d’internet dans certaines provinces la semaine dernière. Cette situation qui dure toujours est la conséquence des échanges haineux entre compatriotes suite au lynchage d’un colonel de l’armée par des jeunes suite à un différend au marché des pièces détachés dit «marché champ de fils ».
En attendant que la justice qui s’est saisie de l’affaire n’établisse les responsabilités, l’avalanche de réactions sur les réseaux sociaux montre à ceux qui résistent à l’évidence que nous sommes sur une poudrière.
En décidant de faire boucler le marché et réduire l’accès à la plateforme sur laquelle fusaient les noms d’oiseaux et les menaces de mort, le gouvernement a en partie fait ce qu’il devrait faire, veiller au maintien de l’ordre public. Encore qu’il n’a fait que compliquer l’accès à WhatsApp sans vraiment le couper.
Pour nous convaincre qu’il ne fait pas que de la cosmétique, le procureur de la République qui a d’ailleurs été pris à partie, devrait rechercher et poursuivre, en plus des protagonistes directs, tous ceux qui se sont laissés aller à des propos haineux appelant parfois au meurtre. Il tient là l’occasion de faire œuvre de salubrité publique en mettant fin à une pratique devenue banale et qui traduit en vérité l’état moral de la nation : le malvivre ensemble.
Cet état de fait, conséquence de la mauvaise gouvernance politique sera sans doute le plus grand échec du Maréchal Idriss Déby Itno qui en est conscient et l’évoque à longueur d’interview sans rien faire de concret pour y remédier. Si en trente ans, MIDI comme on l’appelle désormais n’a pas réussi à construire l’unité nationale, c’est parce qu’il n’a pas mis en place un système équitable et égalitaire où chaque tchadien espère prospérer par son travail et son talent. Si à l’orée de soixante ans d’indépendance dont la moitié a été administré par l’actuel chef de l’Etat, le moindre incident comme celui des champs de fils se traduit en appel aux pogroms, c’est que le régime n’a pas travaillé à mettre la paix dans le cœur des Tchadiens.
S’il veut et espère encore entrer dans l’histoire de la meilleure manière, le gouvernement gagnerait à travailler à la restauration de la justice sociale pour qu’aucun Tchadien ne se sente au-dessus de l’autre. Nier l’évidence reviendrait à préparer le terrain à l’apocalypse parce qu’en vérité, c’est tout le Tchad qui est tendu comme le marché du « champ de fils ».

La Rédaction