Edito

Eviter le syndrome malien

Eviter le syndrome malien 1

Ce jeudi s’ouvre au tribunal de grande instance de N’Djaména ce qui pourrait être qualifié comme le procès de l’année. Sur le banc des accusés, des officiers, des agents de renseignement, de simples citoyens qui ont pour centre d’intérêt, le trafic de substances psychotropes importés de l’Inde, introduits sur le territoire à partir du port de Douala par conteneur, déporté dans de petits véhicules en territoire tchadien et convoyés dans le sud libyen où se battent des milices pour le contrôle du territoire et des puits de pétrole. L’affaire se mesure en milliards de francs Cfa et les membres de la chaine judiciaire qui ont eu affaire à ce dossier ont vu passer des centaines de millions en tentative de corruption. C’est dire qu’il s’agit d’un cartel puissant qui vient d’être démantelé par les services de sécurité et à charge de la justice de finir le travail de salubrité publique
Mais au regard du profil des mis en cause, des hauts gradés pour la plupart, plus ou moins proche du cercle régnant sur le Tchad, on ne peut que s’inquiéter sur l’état de la nation et de notre dispositif de sécurité, encerclé quasiment par des originaires d’une même région. C’est ce qui explique le niveau de complicité supposé que la justice devra établir. Comment comprendre qu’une cargaison de drogue puisse bénéficier de la couverture d’un service de contre-espionnage pour pouvoir circuler sans gêne ?
On se retrouve ici dans une situation similaire à celle du Mali il y’a dix ans, quand par petites touches, les narcotrafiquants ont réussi à corrompre une bonne partie de la haute administration au point de faire atterrir une cargaison de cocaïne dans le désert sous le regard complice de ceux chargés de veiller sur les personnes et leurs biens. La suite est connue…
Pour revenir au Tchad, l’origine de ce mal n’est pas l’appât du gain des seuls trafiquants, mais l’absence de justice qui est à l’origine de cette défaillance qui dure depuis des années au point où la consommation de tramadol est devenue, même si on feint de l’ignorer, un véritable problème de santé publique. La justice équitable est aussi l’inquiétude de certains esprits qui redoutent que le poids politique et militaire des mis en cause ne fasse basculer la balance au détriment de la loi. Si face à un phénomène comme le trafic de drogue, la justice et donc l’Etat n’est pas en mesure d’être intransigeant, il ne faudra pas s’étonner qu’un jour, le pays se retrouve dans une situation similaire au Mali où l’Etat a plié devant des forces illégales pour se retrouver dans un cycle d’instabilité dont il n’est pas près de sortir. Notre pays déjà bien affaibli pourra-t-il, saura-t-il négocier ce virage ultime ? Wait and see.

La rédaction