Edito

Pour éviter un autre Bohoma

Pour éviter un autre Bohoma 1

Ne vous méprenez pas. La chronique de cette semaine ne sera pas une aude en l’honneur du chef suprême des armées après l’opération ’’colère de Bohoma’’ qui a bouté, du moins momentanément Boko-Haram hors des frontières tchadiennes. En attendant d’en savoir plus sur les détails et le contour de l’opération décidée après la mort de près d’une centaine de soldats suite à un raid de Boko-Haram, quelques observations méritent d’être soulevées.
Il y’a d’abord l’opportunité de la présence du chef de l’Etat sur le théâtre des opérations. Comment comprendre que l’armée réputée la plus aguerrie de la région puisse avoir un tel déficit de commandement obligeant son chef suprême à se porter lui-même sur place ? Deux explications sont possibles. La première est qu’Idriss Déby a fini par réaliser qu’il ne peut plus faire confiance à la hiérarchie militaire embourgeoisée qui vit sur le dos des soldats qui ont fini par perdre le moral, fatigués par une très longue opération et pas ou très mal payés. La seconde hypothèse est que derrière la nébuleuse se cacherait un mouvement politique. Beaucoup d’observateurs interrogent cette éventualité pour justifier la présence sur zone du chef de l’Etat pendant une dizaine de jours.
Toujours est-il que la victoire militaire revendiquée ces jours-ci ne signifie pas la fin du problème djihadiste. Si l’ennemi a pris la poudre d’escampette à l’annonce de l’arrivée des forces tchadiennes, c’est plus pour se mettre à l’abri que de renoncer au djihad qui reste son but ultime. Et le risque qu’il parvienne dans les semaines voire les mois à venir à frapper dans la faille de notre dispositif comme il l’a fait le 23 mars dernier reste grand.
Parce que sur le plan diplomatique, les pays riverains du Lac Tchad n’arrivent pas à faire bouger le Nigéria pour sécuriser la partie septentrionale de son territoire. Bien qu’assurant le commandement de la force multinationale conjointe, notre voisin montre peu d’intérêt à la question et reste de ce fait, le maillon faible du dispositif.
Aussi, parce que la gouvernance de notre armée reste un problème à l’image du pays. L’armée tchadienne, quoi qu’on dise souffre de mal gouvernance et les plus gros perdants sont les hommes de troupes. Exposés sur le front, ils sont les plus mal payés quand leur pécule leur parvient. La gestion des hommes et leurs carrières restent l’un des plus gros échecs du chef de l’Etat, pourtant militaire de carrière lui-même. Dans cette armée à la centaine de généraux, l’injustice et les frustrations sont telles que le sentiment d’appartenir à une armée nationale a disparu.
C’est pourquoi, il faut revoir (si cela est encore possible) la gouvernance et surtout mettre fin aux injustices si l’on ne veut pas que l’armée la plus puissante de la région n’essuie à nouveau des surprises comme à Bohoma.

La Rédaction