Edito

L’impératif de faire bloc

L’impératif de faire bloc 1

«Chaque fois que des hommes et femmes redressent l’échine, ils peuvent aller où ils veulent, car personne ne peut monter sur votre dos tant que vous vous tenez droits», assurait Martin Luther King. Ces propos du célèbre pasteur baptiste et militant non-violent pour les droits civiques des noirs américains doivent sonner ces jours ci comme une piqure de rappel pour une population tchadienne résignée, amorphe face aux violations quotidiennes de ses droits, même les plus élémentaires. Un peuple qui sous-estime ses forces et s’en remet à la providence pour changer sa situation, oubliant le célèbre adage latin, ’’Vox populi, vox dei’’ (La voix du peuple, c’est la voix de Dieu). Mieux, Thomas Jefferson dira que se dresser contre l’injustice, c’est obéir à Dieu.

Les débrayages des grossistes et tenanciers des bars, en réaction à la hausses de prix des produits des Basseries du Tchad (Bdt) qui ont fait chuter de manière vertigineuse le   chiffre d’affaires (70%) de cette filiale du groupe français Castel en janvier dernier, sont une illustration du pouvoir d’un groupe ou d’un peuple, pour peu qu’il soit uni dans la défense de ses intérêts. Même si ces grossistes et tenanciers des bars n’ont pas  obtenu gain de cause ; même si le chiffre avancé par les Bdt est peut-être gonflé juste pour justifier la mise en chômage technique et éventuellement, le licenciement d’une partie de leurs employés dans l’optique de contraindre le gouvernement à renouveler la convention d’établissement; même si leur lutte a suscité les railleries de certains compatriotes qui s’étonnent, peut-être à juste titre au vu des ravages causés par l’alcool dans ce pays, de l’énergie déployée pour défendre une ’’cause alcoolique’’; il faut au moins leur reconnaitre un mérite: celui de la solidarité. Une solidarité qui a tenu un mois dans la défense de leurs intérêts qui a incontestablement donné un coup dur aux Bdt.

Lorsqu’on aura fini de chambrer ces disciples de Bacchus, il serait intéressant de s’arrêter un tant soit peu pour s’interroger: et si l’on  s’inspirait de cette solidarité pour réclamer les droits élémentaires communs à tous ? Au-delà des clivages régionaux, ethniques, confessionnels, etc., que l’on connait au Tchad, il y a des besoins basiques pour lesquels les Tchadiens sont censés se mettre d’accord du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest. L’accès à l’eau, à l’électricité, au logement, au gaz… reste un luxe, parce que la justice sociale reste le benjamin des soucis des gouvernants.

Lorsque la Société tchadienne des eaux (Ste) augmente en catimini le prix du mètre cube d’eau, cela devrait indigner tous les consommateurs (mis à part quelques privilégiés qui ne paient jamais leurs factures). Lorsque de manière récurrente, les ménages et les entreprises sont privés d’électricité pendant la période de canicule, cela pose problème. L’augmentation du prix de ciment, les pénuries répétitives de gaz butane, les arnaques autours de la délivrance des pièces d’identité sont autant de situations dont souffrent les Tchadiens de tous bords. Mais face à ces situations, ils ne parviennent pas à se faire entendre faute de solidarité et à cause de leur résignation, de cette peur qui les tient  captifs face à un système qui surfe sur les clivages, le recours à la brutalité  pour étouffer toute velléité contestataire.

Prendre conscience du fait que le vrai détenteur du pouvoir, c’est le peuple, et exercer ce pouvoir, est la meilleure manière de faire reculer n’importe quelle dictature.

La rédaction