Edito

Dia, l’évidence s’impose

Dia, l’évidence s’impose 1

C’est un aveu d’impuissance. Sinon la reconnaissance d’une incongruité qu’on a entendu de la bouche du ministre de l’administration du territoire, Mahamat Abali Salah ce dimanche 19 mai alors qu’il présentait à la presse d’Abéché les présumés complices de la tuerie de Marfa, une sous-préfecture située à une centaine de kilomètres au sud d’Abéché. Les affrontements sont en cours et à l’heure où ces lignes sont écrites, on compte une trentaine de morts…
«Le paiement de la dia est interdit parce que la dia protège les criminels», a dit en substance le ministre pour dénoncer cette pratique en islam qui absout les poursuites contre un individu coupable d’homicide. Pourtant, son prédécesseur a évité de se présenter à l’hémicycle pour répondre à la question orale avec débat d’un député sur la dia. Le sujet a été purement et simplement rayé du calendrier de l’Assemblée. De la bouche d’un responsable de ce niveau, la phrase sonne comme la dénonciation d’une pratique d’origine islamique qui s’est insidieusement imposée au point de devenir le principal moyen de règlement des crimes de sang. Le montant à verser varie selon la communauté dont est issue la victime. Une fois payé, l’action publique s’éteint. Il se trouve en ce moment dans les maisons d’arrêts de la République des prisonniers ayant fini de purger leurs peines mais qui refusent de sortir parce que leur communauté n’a pas encore payé la dia. Il se trouve aussi aujourd’hui des Tchadiens qui sans gêne, menacent d’enlever la vie à des citoyens parce que disent-ils, ils ont les moyens de payer sans problème le prix du sang…
Même les communautés non-musulmanes de ce pays ont été contraintes de se plier à cette règle sans que la justice ne parvienne à les en soustraire. C’est parfois par contraintes que des villages ont dû livrer leurs cheptels à des fins de règlement de la dette du sang. Une pratique fortement encouragée par les autorités administratives et militaires qui y trouvent une occasion de se servir sur l’habitant.
D’une simple coutume aidant à sceller la paix entre deux familles, la Dia est devenue une aubaine pour les «faidologues» et autres criminels qui savent qu’ils peuvent massacrer sans crainte tant qu’ils ont des ressources. C’est la conséquence du mélange de genre dans une République.
Il faut saisir cette occasion pour ouvrir un vrai débat sur l’opportunité d’appliquer cette coutume. Le clergé musulman doit édicter, sinon vulgariser ce que dit l’islam et les limites de son champ d’application pour qu’on en finisse avec cet abus. Car la Dia n’est pas Républicaine et n’exclut en aucun cas l’action publique dans un État qui se respecte. Le Tchad n’est pas plus musulman que l’Algérie, la Tunisie et le Maroc. Au Tchad, il y’a des chrétiens et des animistes qui ne s’y reconnaissent pas. C’est pourquoi, il faut recadrer son application pour que chacun de nous se sente membre de cette grande famille.

La Rédaction