Edito

Edito N°092

Edito N°092 1

Le peuple Tchadien n’a pas d’amis

A peine la marche forcée vers la 4ème République entamée depuis 2016 s’est achevée que celle-ci commence à montrer la face hideuse de ce que l’on craignait. Un pays à l’arrêt à cause du manque d’initiative ou de bonne volonté d’un hyper président dont le seul souci est la préservation de son pouvoir.

Une République sans état de droit comme le dirait l’expert indépendant François-Albert Stauder de la fondation pour la recherche stratégique dans une étude datée d’il y’a deux semaines. Cette étude qui revient sur la brève histoire nationale de notre pays note que ce qui s’est passé depuis le 30 avril, date de l’adoption de la nouvelle constitution et la rafale d’ordonnances qui instaure le nouvel ordre n’est autre qu’un « bricolage constitutionnel, conjugué à une certaine ignorance de l’histoire nationale et comparée des institutions, (qui) a pour ultime conséquence la concentration de pouvoirs exorbitants entre les mains du seul président de la République, mais aussi la destruction concomitante de tout ce qui pouvait constituer des embryons de contrepouvoirs ou de points d’ancrage à une évolution plus démocratique du régime ».

En français facile, la mise en route de la nouvelle République n’a rien apporté de moderne au pays. Pire, elle a enterré le principe républicain de la laïcité en excluant, par l’astreinte au serment, certaines confessions de la gestion de la chose publique. Non seulement mais elle vassalise le pouvoir judiciaire et législatif à telle enseigne que le chef de l’Etat qui a tout pouvoir n’est responsable de rien devant personne. C’est le mérite des auteurs de la constitution de la 4ème République. Ils s’appellent entre autres, Kassiré Coumakoye, Abdoulaye Sabre Fadoul, Jean-Bernard Padaré, Djimet Arabi…

C’est dans ce contexte que le pays s’apprête à préparer des élections législatives dont on ne peut rien attendre de crédible vu que même l’opposition s’est laissé prendre au piège du pouvoir. Pendant que les chefs de partis politique se chamaillaient pour saisir chacun un strapontin au conseil national du dialogue politique, le dispositif légal a été mis en place à travers les ordonnances sur la charte des partis politiques, la parité dans les fonctions électives, la haute autorité des médias et de l’audiovisuel, etc. A quoi servira finalement le Cndp qui à l’évidence parait sans objet ?

Le plus surprenant est le silence assourdissant de la ‘’communauté internationale’’ témoigne de cette destruction de l’architecture institutionnelle du pays et de l’Etat de droit qu’ils prétendent aider à construire. Pendant tout le processus, ni la France, ni les Etats-Unis dont la préoccupation, selon un diplomate est le ‘’sécuritaire’’, ni les nations-unies ou encore l’Union Européenne, gros bailleurs des programmes de construction de l’Etat de droit et la justice, n’ont élevé la moindre protestation contre cette entreprise de sape. Accepteront-il de financer les législatives annoncées pour la fin de l’année dans ces conditions ?

L’histoire retiendra qu’ils auront accompagné un système vieillissant préoccupé par sa seule survie au nom d’une sécurité qui trouve paradoxalement son origine dans la mal gouvernance et l’absence de démocratie. On dira alors que le peuple Tchadien lui n’a pas d’amis.

La Rédaction