Edito

Edito N°090

Edito N°090 1

Bravo aux robes noires

Ainsi, la première session criminelle de la cour d’appel de N’Djaména, ouverte ce 11 juin attendra encore peut-être quelques jours avant d’entrer dans le vif du sujet. Les avocats, comme les notaires et huissiers de justice ont maintenu leur mot d’ordre de grève, dans l’attente de l’arrestation et la traduction en justice de l’ancien gouverneur et des responsables de la gendarmerie de la région du Logone Oriental.

Le mouvement des robes noires aura paralysé la justice et les autres activités connexes malgré la forte pression exercée sur eux par l’exécutif pour leur faire lâcher prise.

De la bataille qu’ils mènent en ce moment dépendra l’avenir du secteur judiciaire. Un secteur longtemps décrié parce que n’arrivant pas à jouer le rôle qui est le sien. Celui de garant de la paix sociale en rendant à l’humble comme au puissant la justice. Au fil des ans, la justice parallèle s’est imposée avec l’introduction de pratiques coutumières dans les affaires judiciaires. A cela, s’est ajoutée la corruption qui a gangrené l’ensemble de l’appareil, à l’image du pays, à telle enseigne que le commun de mortels a fini par se rendre à l’évidence qu’on a très peu de chance d’avoir accès à la justice en allant dans un tribunal.

La défiance face à l’autorité de la chose jugée vient en partie de là. Et l’incident du 22 mai n’est que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Dieu sait le nombre de juges affectés dans le septentrion qui ne s’y hasardent pas au risque de perdre leur peau. Beaucoup d’observateurs ont encore en mémoire les images des magistrats et avocats, traversant les palais de justice en sprint sous la menace d’un pistolero. Les huissiers n’ont eu de cesse de rappeler le cas de leur collègue, buté il y’a deux ans alors qu’il mettait en application une décision de justice.

Si donc les juges, huissiers, magistrats, avocats et notaires en sont arrivés à ce ras-le-bol, c’est bien en raison d’une accumulation de frustrations même si à certains égards, ils en portent une part de responsabilité. Aujourd’hui plus que demain, ils sont dos au mur et se doivent de réagir pour garder le peu de parcelle de pouvoir qui leur reste avec la 4ème République avec le régime présidentiel intégral. Le combat risque d’être rude mais mérite d’être mené jusqu’au bout. Une première bataille, le départ des responsables administratifs et militaires, a été remportée. Reste celui de la traduction devant les juridictions. Selon nos informations, le ministre de la défense est en train de mettre les gendarmes à la disposition de la justice. Reste le cas de l’ancien gouverneur qui pourrait faire l’objet de bras de fer. Mais comme l’a indiqué le procureur général près la cour d’appel de N’Djaména à l’ouverture de la présente session criminelle, il faudra que n’importe quel citoyen, quels que soient ‘’son rang social et ses moyens de terreurs’’ réalise qu’il ne peut se soustraire à la rigueur de la loi. Ce jour là, on pourra dire définitivement, bravo aux robes noires.

La Rédaction