Edito

Edito N°081

Edito N°081 1

De la légitimité du Forum

Ainsi, le forum national inclusif sur la réforme des institutions s’est tenu vaille que vaille, malgré la bruyante protestation des partis politiques de l’opposition et de la société civile, lesquels appellent à un dialogue politique inclusif.

Ils ont même fait recours à l’Onu qui leur a poliment demandé d’aller faire valoir leurs revendications et exigences au sein dudit forum. Rien n’y fait et désormais, rien n’entamera la marche vers la IVème République. 

Outre les saillies régulièrement enregistrées qui font pouffer de rire, le forum, bien que diffusé par les médias publics s’est passé dans une      indifférence qui interroge sur sa légitimité et son sérieux. Que penser d’une réunion de refondation de l’Etat boycotté par les quatre poursuivants du président élu et une bonne partie des principaux animateurs de la République ? Quelle sera la légitimité d’un processus décrié de bout en bout et dont la représentativité est aussi sujette à caution ?

Là se trouve le problème du régime depuis l’élection présidentielle de 2016, contesté par la plupart des candidats, une crise politique marquée par l’absence d’un dialogue politique, la fermeture du jeu politique et une répression de toute velléité de manifestation.

De la légitimité, le philosophe Allemand, Max Weber a écrit que trois raisons internes justifient la domination et par conséquent il existe trois fondements de la légitimité : les traditions, qui instituent les chefs traditionnels, le charismatique, les prophètes et le démocratique, plus moderne qui est incarné par celui qui est désigné selon les règles et reconnus par tous. Où se trouve donc la légitimité d’un forum national auquel on a ajouté le terme ‘’inclusif’’, glissement sémantique en réponse à l’opposition qui appelle depuis des mois à un dialogue pour décrisper un climat politique grippé. La tentative de rattrapage s’illustre aussi par le cas de Barka Michel, président de l’Union des syndicats du Tchad, figure de proue de la contestation sociale qui a bloqué le pays depuis fin janvier. Le syndicaliste, coopté dans le comité d’organisation s’est retrouvé au poste de rapporteur d’un présidium qui était censé être désigné par consensus par les participants alors qu’il n’a pas mis pied au palais du 15 janvier. De nombreux militants de l’opposition ont été ramenés par des rabatteurs en salle et triomphalement exhibés comme s’il s’agissait de trophées. Le point d’orgue de l’opération cooptation est celui de ce militant, habillé aux couleurs de l’Ust à qui on a demandé, comme par hasard, de lire une motion…

On épargnera le lecteur, ici des légèretés et autres manœuvres rapportés par nos reporters (lire page 3 & 4) pour alerter, encore une fois sur le danger du passage en force qui reste le mode opératoire préféré d’un régime qui gagnerait à privilégier la recherche du consensus au risque de voir l’histoire bégayer. Surtout que le rêve du chef de l’Etat, selon nos indiscrétions ne s’arrête pas à de nouveaux mandats et une présidence intégrale mais un nouveau drapeau, un nouvel hymne voire une nouvelle devise. Comme son ami Mohamed Ould-Aziz de la Mauritanie. 

 Mais le procédé, quoi qu’on dise manque de rigueur et de sérieux. Surtout qu’à terme, l’adoption de la nouvelle Constitution devrait se passer par voie parlementaire. Une assemblée dont le mandat est arrivé à terme depuis plus de deux ans et dont la légitimité, quoi qu’on en dise, est sujette à caution. Avec autant de forcing, le virage à la IVème République risque de ne pas passer par la construction de la paix et de la cohésion nationale.   

La Rédaction