Edito

Edito N°079

Edito N°079 1

Ce que Tillerson doit dire à Déby

Rex W Tillerson, 69ème Secrétaire d’Etat des Etats-Unis d’Amérique sera le premier chef de la diplomatie américaine à poser pied, au pays de Toumaï, inchallah, ce lundi 12 mars 2018.

Ce jour-là, commerces et administrations devraient être fermés si l’appel aux ‘’villes mortes’’ lancé par l’opposition, les syndicats et la société civile est suivi. Les services américains très au point l’auront sans doute prévenu qu’il arrive dans un pays où, depuis bientôt deux mois, tout est à l’arrêt en raison d’un manque de dialogue entre travailleurs et gouvernement. Ils l’informeront aussi qu’il arrive dans un pays qui s’apprête à organiser un forum pour reformer ses institutions et adopter une nouvelle constitution qui permettra à un chef d’Etat en poste depuis 28 ans de pouvoir rempiler encore au moins 14 ans.

Mais si on s’en tient au contenu de son discours de ce mardi 6 mars à l’Université Georges Mason de Washington, l’ancien Pdg de Exxon-Mobil vient pour parler sécurité et lutte contre le terrorisme au Tchad qu’il a cité plusieurs fois dans son speech.

Tout de même, le chef de la diplomatie américaine est revenu plusieurs fois sur les projets et la vision de l’Amérique pour l’Afrique. Un continent d’avenir pour qui l’Amérique rêve, selon Tillerson d’un accès à l’électricité, d’un passage de la pauvreté à la prospérité, d’une sécurité, condition sine qua non d’un développement accru, de plus de transparence dans les affaires « nous espérons que la Chine nous rejoindra dans cette dynamique » et de l’émergence d’une presse libre et des moyens de communications ouvertes. En somme, « nous voulons aider l’Afrique à prendre soins de ses populations », a conclut Rex Tillerson.

Les Etats, c’est connu, n’ont pas d’amis mais seulement des intérêts. Mais ce paradigme des relations a évolué et le devoir de solidarité d’assistance est imposé dans le jeu politique international. L’Amérique qui a soutenu à bout de bras le régime de Hissein Habré pour combattre Kadhafi et aider les sud-soudanais dans leur lutte contre le régime de Khartoum partage lui aussi, le passif de son régime et ses 40 000 morts. C’est donc pour éviter un deuxième jugement de l’histoire que Rex Tillerson doit rappeler au chef de l’Etat, qu’il rencontrera certainement, qu’au-delà du service qu’il rend à l’humanité en s’engageant de manière déterminée contre les terroristes qui écument le Sahara, il doit aussi travailler au bien-être de son peuple. C’est-à-dire, respecter les libertés fondamentales, promouvoir le dialogue politique, favoriser l’environnement des affaires par l’équité et la justice sociale, bref la démocratie.

Selon une analyse partagée, c’est l’absence de démocratie et de liberté qui favorise l’émergence du terrorisme. Manifestement, le sujet ne semble pas être à l’ordre du jour du Pdg Tillerson qui, à tout le moins fera des digressions sur le dénouement heureux du contentieux entre Exxon et le gouvernement Tchadien au sujet des redevances statistiques et la mise en œuvre du polymère pour maintenir le niveau de production du bassin de Doba parce que les cours du brut remontent ou encore le Travel Ban décidé par son gouvernement contre les ressortissants Tchadiens. S’il ne pipe mot de la situation du peuple tchadien, Tillerson, comme de nombreux hommes d’Etat avant lui aura raté l’occasion de se mettre du bon côté de l’histoire.

La Rédaction.