Edito

Edito N°077

Edito N°077 1

Quand la femme se fâche

Cela fait quatre semaines que la fonction publique, à des détails prêts est à l’arrêt. Le mois de février sera compté, un jour par les historiens comme un de ces mois où la production nationale aura été des plus faibles, voire nulle.

Rien de nouveau venant d’une fonction publique où on sait qu’en vérité, le rendement par fonctionnaire n’est pas fameux en raison de l’absence de conditions de travail depuis déjà plusieurs années, depuis que le Tchad subit, nous dit-on, la baisse des cours du brut.

Après avoir perdu une partie de leurs revenus, les fonctionnaires nous dit-on, pourraient encore en perdre sous l’effet conjugué de l’application du nouvel impôt sur les revenus des personnes physiques et de l’application de la loi règlementant la grève. Une perspective qui va tendre davantage un climat où le thermomètre est déjà élevé.

C’est dans ce contexte que les femmes syndicalistes ont décidé de donner de la voix, prévenant les hommes qu’aucune concession n’est possible, sans quoi, elles prendraient leur responsabilité.

Bien malin qui saura prédire de quoi sera fait la semaine prochaine, semaine au cours de laquelle auront lieux, normalement, les célébrations de la femme tchadienne. Mais laquelle ? Celle qui croise tous les matins le regard d’un mari incapable d’assurer ses charges familiales ? Celle qui, regarde depuis un mois ses enfants tourner en rond dans la cour parce que les écoles sont fermées ? Celle qui ne sait où donner de la tête quand ses enfants auront la moindre fièvre parce que le dispensaire du coin est fermé et elle, n’a pas les moyens d’offrir à sa progéniture une consultation dans une clinique privée. Quelle femme tchadienne s’apprête-t-on à célébrer ?

Face à ces questions, une initiative, sans réelle coordination comme c’est souvent le cas des mouvements citoyens chez nous, appelle au boycott des pagnes imprimés à l’occasion et vendus au prix officiel de 11 000 FCFA. L’initiative a reçu une vague d’appréciation virtuelle dont la réalisation sera difficile à mesurer, la galère elle seule se chargeant de certifier la mévente des pagnes.

Au-delà du factuel, quel message porteront les représentants du gouvernement aux femmes au cours de cette semaine? N’est-ce pas là une occasion d’apporter un message d’apaisement aux mères qui souffrent de cette situation ? Le gouvernement qui semble avoir pris conscience de la situation en procédant discrètement au toilettage du fichier de la solde (des énormités ont d’ailleurs été mis à jour. Nous y reviendrons), devrait saisir l’occasion pour porter un message de décrispation. Personne n’a intérêt à jouer la montre qui, de toute façon ne fera que des pertes à terme dans les comptes de la nation. Sauf si par cynisme, on lui préfère le gain politique.

On ne gouverne pas contre son peuple. Et de mémoire d’analyste, jamais le pouvoir n’aura réussi à faire l’unanimité en 27 ans de règne. Certes, à d’autres occasions, les femmes ont pris leur part dans les manifestations de colère. Mais jamais elles n’en sont arrivées à menacer les hommes contre tout recul et bouder des pagnes en leur honneur. C’est dire que la coupe est pleine. Il faut les entendre si nous voulons être dignes du sceau de notre République qui porte la tête d’une femme. Kélou.

La Rédaction