Edito

Edito N°061

Edito N°061 1

Mairies : L’échec d’un système politique

La dernière mais aussi la plus attendue est sans doute l’éviction par le conseil municipal de Makaïla Djibrine Ahmat, maire du 7ème arrondissement. Il lui est reproché du népotisme (il a employé ses épouses, fils et beaux-frères), détournements, faux en écriture et corruption. Pour sa défense, le bourgmestre déchu, évoque un complot de l’opposition et une jalousie de ses collègues qui cherchent eux aussi à accéder à la fonction et «placer leurs parents », comme il l’a fait.

Mais la déchéance de l’élu du 7ème arrondissement est contesté ou du moins ignoré par la tutelle, en l’occurrence le gouverneur de N’Djaména, qui feint de ne pas se rendre compte de la situation.

Le 7ème arrondissement n’est pas le premier du genre. Il y’a eu récemment le cas du maire du 1er arrondissement Mahamat Siam qui a démissionné avant de faire du retropédalage ou encore celui de la mairie de Moundou où le maire, Laoukein Mbaiheurem Médard a été destitué et placé sous mandat de dépôt.

Au-delà des intrigues politiciennes sur fond d’instrumentalisation de l’appareil judiciaire, c’est l’échec d’un modèle politique défendu bec et ongle au nom de l’unité et de la stabilité du Tchad qui est ainsi constatée.

La forte décentralisation, modèle administratif de consensus arrêtée par la conférence nationale souveraine devait être la solution médiane entre les partisans du fédéralisme et ceux de l’état centralisé au nom de l’unité entre les fils du Tchad. Plus de 20 ans après, ni les différents niveaux de décentration, ni les délégations de pouvoir n’ont été mises en place. Et quand, sous le coup de boutoir de la communauté internationale, il a fallu se résoudre à organiser les communales, c’est non sans leur avoir collé des autorités de tutelle que le pouvoir s’est résolu à mettre en place les communes de moyen exercice.

Une situation davantage compliquée par les attitudes d’un personnel politique dont la principale motivation n’est surtout pas l’intérêt général. Quand la majorité contrôle une commune, ce sont ses propres militants qui se tirent entre les pattes pour contrôler les fameuses « recettes». Quand c’est l’opposition qui est aux commandes, la tutelle (préfet ou gouverneur) s’acharne à lui couper tout moyen de mettre en œuvre son programme politique. Entre les deux situations, on a vu des élus de l’opposition jouer aux artificiers quand il s’est agi de clouer au pilori des conseillers du même bord qu’eux. La misère aidant. C’est donc à ce panier à crabe qu’on assiste depuis 2012, date de la mise en place des communes.

Et c’est dans ce contexte qu’on s’apprête à boucler le processus devant conduire à la réforme des institutions de l’Etat et donc un référendum. Il s’agira de mettre en place les instituions qui incarneront le Tchad auquel les Tchadiens aspirent pour les décennies à venir.

Qu’attendre de ces assises plutôt contestées et qualifiée d’unilatérales ? Qu’attendre en termes de production d’une classe politique inculte dont l’engagement politique est motivé essentiellement par l’appât du gain et non la recherche du bien-être de leurs concitoyens? Pas grand-chose et les spectacles qu’offrent les conseils municipaux ne sont que le visage hideux d’un système politique qui est à reconstruire.

 

La Rédaction