Edito

Edito N°054

Edito N°054 1

L’impératif d’une littérature politique

Les semaines qui viennent de s’écouler ont été émaillées par des disparitions de personnalités qui ont marqué la vie de la nation. D’abord Pircoulossou Benoit, chef de canton de Bayaka dans la Tandjilé, ancien député à l’assemblée territoriale française et témoin de toute l’histoire politique du Tchad puisqu’ayant participé de près ou de loin à tous les évènements qui ont marqué la vie politique du Tchad depuis le début et Mahamat Saleh Ahmat Tibeck, plusieurs fois ministre et ancien secrétaire général du parti au pouvoir.

Deux personnalités comme beaucoup d’autres sont parties sans avoir laissé à la postérité leur part de l’histoire du pays, celle qu’ils ont vécue et façonnée au gré des circonstances plus ou moins difficiles que le Tchad a traversées.

Ainsi, personne ne saura vraiment ce qui a motivé et orienté les décisions historiques prises par Félix Malloum, Kamougué Wadal Abdelkader et autres Ibrahim Abatcha, la liste n’est pas exhaustive,  parce qu’ils sont morts avec ce qu’ils savaient ou auraient pu dire ou écrire sans se faire altérer par les conclusions d’un travail de recherche historique qui de toute façon orienté que par la sensibilité de son auteur.

A la rédaction du Journal Le Pays,  nous pensons à ces illustres anciens qui croulent aujourd’hui sous le poids de l’âge et courent le risque de partir, comme les autres sans laisser à la génération future, le meilleur des héritages, leurs mémoires c’est-à-dire ce qu’ils ont voulu pour le Tchad.

Ceci est un appel à la production, qu’importe la qualité. Il faudra suivre la voie de ceux qui comme Goukouni Weddeye avec Rfi, Ali Abdelramane Haggar, Moussa Medellah, Abdéramane Koullamalah qui plus récemment ont écrit sur leur vécu de la vie politique de notre pays.

Il s’agit bien entendu d’un point de vue, la leur, donc forcément subjectif. Mais qui aura le mérite d’exister et servira peut être de matériau aux chercheurs et historiens qui auront à produire sur le Tchad plus tard.

Ces derniers cités sont apparus comme des égarés dans un paysage politique où règne une omerta qui ne dit pas son nom. Un silence justifié pour certains par la peur mais qui s’explique aussi par la simple paresse. Il faut l’admettre, le goût de l’effort et la productivité ne sont pas les valeurs les plus partagées par les élites tchadiennes de nos jours.

«Je me souviens des critiques de certaines personnes qui me reprochaient d’être trop jeune pour écrire mes mémoires. Mais tous ces gens oublient que j’ai près de 60 ans, âge avancé dans mon pays » justifie le Pr Avocksouma Djona Atchénémou dans son ouvrage, le ministre ouvrier paru la semaine dernière. Nous ajouterons que les mémoires ne s’écrivent pas d’un trait. Ils peuvent s’écrire sur le long terme et parfois à plusieurs mains. Ce fut le cas de Jacques Foccart, architecte de la Francafrique qui s’est confié dans deux pavés et demandé que ceux-ci ne soient publiés qu’à sa mort. Aujourd’hui, «Foccart parle » reste un ouvrage de référence pour ceux qui travaillent sur l’histoire récente du continent.

Les politiques tchadiens, surtout ceux qui ont amorcé le déclin de leur vie devraient prendre leurs plumes ou se servir de nombreux écrivains en herbe qui poussent en nombre depuis quelques années. Le boom littéraire que vit le Tchad en ce moment devrait aussi avoir son chapitre de boom de mémoires politiques. Pour l’intérêt du pays.

 

La Rédaction