Edito

Déby se dévoile

Déby se dévoile 1

L’aveu était de taille. Il est hélas passé inaperçu, submergé par l’actualité plutôt riche de ces derniers jours. Au cours de la conférence de presse qu’il a accordée à la presse nationale, le chef de l’Etat répondant à une question sur l’interdiction systématique des marches opposées au régime a tranché net ! « Je n’aime pas le désordre (entendez les marches non autorisées). Vous m’avez déjà traité de tout. Mais je n’accepterais pas le désordre ». Autrement, ne vous attendez pas à être autorisés à marcher tant que c’est contre moi.
Pour l’observateur averti, le fait n’est pas nouveau. Mais que le chef de l’État l’admette de la sorte par ces temps où le peuple est appelé à choisir parmi plusieurs candidats celui qui présidera à sa destinée démontre si besoin est qu’Idriss Déby a horreur des manifestations publiques qui risqueront de mettre à nu, le caractère peu professionnel des forces de défense et de sécurité, pourtant adulées et réputées parmi les meilleurs de la région.
La phobie des manifestations hostiles s’est renforcée semble-t-il après le printemps arabe pendant lequel la rue a fait tomber les dictatures les plus féroces. C’est ce qui explique toute l’énergie déployée depuis des semaines contre Les Transformateurs et avant ceux-ci, les autres partis d’oppositions et les syndicats chaque fois que ceux-ci ont menacé de battre le pavé pour se faire entendre.
Des interdictions qui n’ont fait qu’écorner au jour le jour l’image du régime qui, le sachant bien a axé sa diplomatie sur la carte sécuritaire pour s’imposer aux partenaires internationaux. Les États n’ayant que des intérêts et non des amis, les petites violations des droits humains ont été ignorées, au mieux fait l’objet de molles protestations sans plus…
Au fil des ans, le Tchad a glissé insidieusement dans le recul des libertés et de l’arbitraire faisant perdre confiance aux citoyens en leur justice. Ce qui s’est passé samedi dernier, au-delà de son caractère politique est la manifestation de l’absence de confiance en la justice.
Au-delà de son caractère arbitraire, le gouvernement a montré qu’il est capable de faire usage de moyens disproportionnés pour interpeller un citoyen qui refuse de déférer à des convocations de la police. Plus grave, deux jours de mobilisation d’une trentaine d’engins dont des chars n’ont pas permis d’appréhender un suspect entouré d’hommes armés de kalachnikov devraient emmener à réfléchir sur l’efficacité de nos forces de défense et de sécurité. Que ce soit sur l’argument tactique ou l’absence d’éthique qui ouvre la voie aux complicités, il y’a des questions à se poser.

La Rédaction