Edito

Les deux Tchad

Les deux Tchad 1

Le pays est divisé. A plusieurs égards et l’actualité de ces dernières semaines l’illustre abondamment. Il y’a le Tchad de ceux qui ne peuvent contracter le coronavirus et donc peuvent organiser des caravanes avec des milliers de personnes et celui de ceux, tellement vulnérables, qu’ils n’ont pas le droit de tenir la moindre réunion, organiser la moindre marche. Pour leur sécurité et leur santé, l’État bienveillant déploie des armadas pour les en empêcher.
Il y’a le Tchad des bleus et ceux des jaunes qui s’affrontent sur la toile. Les premiers déterminés dénoncent trente ans de règne, cinq mandats et un bilan des plus calamiteux et se disent déterminés à empêcher un 6ème mandat en marchant ce 6 février au même moment où le chef de l’État sera investi candidat par ses militants, les jaunes. Ces derniers, longtemps silencieux sont apparus telle une déferlante sur les réseaux sociaux ces derniers jours, arborant des statuts à la gloire de leur candidat. Entre les deux camps, des invectives, des noms d’oiseaux mais aucun débat sur l’État de la nation, la situation socio-économique du pays, moins encore de programme politique pour sortir le pays de l’ornière. Ceci dans un contexte où l’école tchadienne suffisamment perturbée l’année dernière entame une 3ème semaine d’arrêt…
Il y’a le Tchad qui est sous pression depuis des semaines, obligé de veiller dans les champs pour que des troupeaux ne viennent dévaster son champ. Il y’a l’autre, assuré d’une impunité certaine parce que soutenu, qui peut faire paître son troupeau impunément dans le champ de l’autre, réduisant à néant le fruit de plusieurs mois de labeur.
Il y’a le Tchad de ceux que ni l’arrêt des cours dans les établissements publics, le fonctionnement avec service minimum au sein des hôpitaux et des services de l’administration ne préoccupent. En face, il y’a le Tchad de ces hères qui croisent chaque matin depuis trois semaines les regards de leurs enfants sans être capable de leur dire quand ils retrouveront la joie d’aller à l’école et quand ces derniers tombent malades, ils sont obligés de supplier pour bénéficier de la moindre consultation parce que n’ayant pas de quoi se payer les services d’une clinique.
Il y’a enfin le Tchad de ceux qui pensent que malgré ses trente ans de règne et le bilan qui est le sien, Idriss Déby mérite de continuer son règne à la tête du Tchad malgré l’échec de la construction de l’unité nationale, la faible performance sur les indicateurs de bonne gouvernance et même dans la construction des infrastructures susceptibles d’améliorer la qualité de vie des populations. Il y’a un autre qui croit l’inverse mais ne peut l’exprimer ni par les urnes, ni dans la rue. Ces deux Tchad, que dis-je, ces différents Tchad s’apprêtent à entrer en ébullition dans les jours et les semaines à venir. Bien malin qui saura en prédire l’issue…

La Rédaction