Politique

Les quatre vies du Marechal Idriss Deby Itno

Les quatre vies du Marechal Idriss Deby Itno 1

En trente ans de règne, le chef de l’Etat a traversé des épreuves, s’est débarrassé de ses compagnons, fait face à l’adversité pour finir seul maître à bord du bateau Tchad.

De Berdoba où il est né dans l’Ennedi Est à l’école française de Fada après avoir fréquenté l’école coranique de Tiné en passant par le lycée franco-arabe d’Abeché et le lycée Jacques Moudeina de Bongor, l’école des officiers de N’Djamena puis l’institut d’aéronautique d’Amaury la Grange de Hazebruk, le soldat Idriss Déby que personne ne vendait cher a fini, à force de ruse par entrer dans l’histoire comptant à lui seul le nombre d’années de règne de Tombalbaye, Malloum, Goukouni et Habré réunis.

1990-1996 : consolider le pouvoir

En décembre 1990, c’est à la tête d’un mouvement hétéroclite qu’il arrive au pouvoir. Bien qu’aidé par la France, Idriss Déby doit manœuvrer pour avoir le contrôle du pouvoir d’Etat. Il se brouille très vite avec les chefs militaires qui l’ont accompagné dans la marche victorieuse. Après son adjoint, Maldom Bada Abbas, il se sépare de Djibrine Dassert, Abbas Koty, Mahamat Garfa.
Il doit aussi faire face au Mouvement pour la démocratie et le développement (Mdd), composé en grande partie des pro-Habré. Le colonel remporte toutes ces batailles.
Sur le plan politique, aidé par les frères Erdimi, Idriss Déby recrute dans le milieu des intellectuels ceux qui penseront le système politique. On cite Dono Horngar, Neldjita, Houdeingar David, Nagoum Yamassoum, Pascal Yoadimnadji, Mangaral Banté, Moussa Faki…
C’est cette équipe qui mettra en place la constitution de 1996 et pilotera la campagne électorale de 1996 suivi de la démocratie consensuelle et participative (Dcp) qui donnera au pays une relative stabilité…

1996-2005 : l’argent du pétrole et la tentation de rester…

Le premier mandat de l’homme qui apporte la liberté aux Tchadiens prend fin en 2001. Il sera réélu par la suite. Le projet d’exploitation de l’or noir tchadien est une réalité. Octobre 2003, le Tchad entre dans le cercle restreint pays producteurs et exportateurs de pétrole. L’argent du pétrole commence à ‘’couler’’.
Constitutionnellement, Idriss Déby ne devrait plus être chef d’Etat à partir de 2006. Mais dès 2005, il actionne le Mps et les alliés pour appeler à une modification de la constitution. Les frères Erdimi qui contestent ce choix se rebellent. Ahmat Hassaballah Soubiane, cacique du parti et ambassadeur aux Etats-Unis démissionne avec fracas et rejoint la rébellion. Abakar Tollimi, un autre pilier du régime quitte aussi le navire. Dans l’Est du Tchad, des bruits de bottes se font entendre. Le Soudan ne cache plus sa sympathie pour les rebelles.

2005-2009 : le temps des adversités

Sur la période, les mouvements politico-militaire naissent ci et là. Le 13 avril 2006, en pleine campagne électorale, une colonne de véhicules venant de l’Est du pays entre dans la capitale. Elle sera stoppée aux portes de la capitale scellant l’échec des forces du Fuc de Mahamat Nour Abdelkérim.
Mahamat Nouri et Timane Erdimi coalisent deux années plus tard pour lancer à nouveau l’assaut sur N’Djaména. Deby résiste. Le 2 février 2008 à N’Djaména, les rebelles se mêlent aux membres de l’armée régulière. Une bataille dont Deby sort vainqueur grâce au soutien militaire de l’armée française. Les rebelles se replient au Soudan et continuent à harceler les forces gouvernementales. En mai 2009, les rebelles essuient une cuisante défaite qui mettra un terme à ce qu’on appelait «la guerre de l’Est».

2009-2020 : seul maitre à bord

La paix est désormais brandie comme slogan politique pour le vivre ensemble et de la cohésion nationale. Pour préserver « la paix chèrement acquise », Idriss Déby décide unilatéralement de se réconcilier avec le Soudan, principal soutien des rebelles qui sont priés de quitter Khartoum. Face à une opposition armée dispersée et une opposition démocratique muselée, l’homme qui prône la démocratie depuis 30 ans a gommé de son champ lexical le vocable « alternance politique ». Partout dans le Tchad, le culte de personnalité est institutionnalisé par la monopolisation des médias publics. L’espace politique est confisquée, toute voix discordante est systématiquement étouffée.
Pendant ce temps, le Tchad participe à la pacification du Sahel et du Lac et parvient à obtenir le statut de « garant de la stabilité régionale ». C’est dans ce contexte qu’il fait adopter une nouvelle constitution en 2018 modifiée en 2020 au lendemain de ses 30 ans de règne. Un texte fondamental décrié qui lui ouvre la voie à un sixième mandat pour lequel il est déjà en campagne.

Labe Epiphanie