Edito

Ces guerres que nous n’avons pas remportées

Ces guerres que nous n’avons pas remportées 1

Ainsi, par la volonté des parlementaires, le général d’armée, Idriss Déby Itno est élevé à la dignité de Maréchal du Tchad. « Est élevé à la dignité de maréchal du Tchad pour services rendus à la nation et les nombreuses victoires militaires remportées tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, le général d’armée, Idriss Deby Itno », indique le texte de résolution qui annonce aussi qu’une stèle sera construite à Bohoma, petit hameau du Lac Tchad où notre armée a subi une mémorable raclée. Une défaite qui a suscité «la colère de Bohoma», au cours de laquelle Boko Haram qui avait retrouvé des capacités opérationnelles a subi de lourdes pertes au-delà des frontières tchadiennes. C’est de cette opération aux détours de laquelle le président de l’assemblée a été fait général par méprise que la marche vers le maréchalat a été entamée.
Au-delà de la guerre de clochers sur la légalité et la légitimité du titre qui, du reste, a rarement souri à ses récipiendaires (lire page 3) et en attendant d’en savoir plus sur les contours du sacre à venir, c’est le fondement de l’argumentaire qu’il faut interroger. Le viatique politique du pouvoir ces dix ans est la stabilité et la lutte contre le terrorisme. Or de mémoire d’observateur, jusque-là et pour un moment encore, le terrorisme reste un problème pour le sahel et c’est d’ailleurs la raison du déplacement du chef de l’Etat à Nouakchott où se tient ce 30 juin un sommet du G5 en présence du président français Emmanuel Macron et du premier ministre Espagnol.
Sur les états de service, il est vrai qu’au Mali, au Niger, au Nigeria, au Cameroun et peut-être bientôt dans la zone des trois frontières, l’armée tchadienne a été la bête noire des illuminés de Dieu en leur infligeant de mémorables raclées. Mais il ne s’agit que de batailles comme elle en a remportées autour du Lac Tchad. La guerre elle est encore en cours et rien ne dit qu’elle prendra fin demain. Pour cette raison, arguer des victoires militaires pour se livrer à un tel marketing politique est dangereux. Dangereux parce que l’hydre Boko Haram a plié et n’a pas rompu comme l’on montré les quelques attaques contre les positions de l’armée depuis la fin de la colère de Bohoma. Dangereux aussi parce qu’à la base, le terrorisme fait son lit dans les injustices causées par la malgouvernance et l’absence de démocratie. En l’occurrence nous ne sommes pas les meilleurs exemples.
Les guerres qu’on aurait dû et pu gagner en trente ans de règne, sont celles du développement des infrastructures sociales de base et l’instauration d’un système politique où les élus ne cumulent pas des mandats sans les avoirs remis en jeu. Ce sont ces batailles qui, une fois remportées donneront au titre de maréchal tout son sens et sa légitimité.

La Rédaction