Edito

Comment la France perdra le sahel

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C’est avec la même arrogance et le mépris du premier jour que Emmanuel Macron est revenu sur le sentiment anti français qui traverse le sahel rappelant, à la clôture du sommet de Pau, que c’est à la demande des Etats que la France est intervenue et que son seul objectif est la sécurité des populations en proie à la violence terroriste. Le chef de l’Etat français a aussi dénoncé une instrumentalisation des contestataires par des ’’puissances’’, ayant leurs propres agendas.

Ce que Macron oublie, c’est qu’il hérite d’une situation créée par l’Etat français après la destruction de la Libye, ouvrant les vannes aux terroristes et autres trafiquants qui ont envahis le Sahara et plus tard le sahel depuis bientôt 10 ans. Même si la France a sauvé le Mali de l’invasion djihadiste, cela ne suffit pas à la dédouaner de tout ce qui arrive dans le Sahel surtout que de bonnes sources, il a plus freiné que boosté l’opérationnalisation du G5 Sahel. Les difficultés de financement de l’organisation et la réticence de certains bailleurs s’expliquent par l’attitude de Paris qui semble aussi avoir oublié que le passif colonial n’est pas complètement soldé.

Si à N’Djaména, il n’y a pas eu de manifs antifrançaise, c’est en raison du contexte politique fermé à toute expression mais aussi parce que le pays n’a, en vérité pas eu affaire à des attaques de l’état islamique au Sahara. Ce qui s’exprime à Niamey, Bamako et Ouagadougou, au-delà du manque de résultats dans la lutte contre les terroristes, est la preuve que Paris n’en donne pas assez. Redéfinir le cadre opérationnel, annoncer un renfort de 220 hommes (insignifiant vu qu’il y’en a déjà 4500) n’a pas besoin d’un sommet.

Paris gagnerait à faire preuve de modestie en admettant qu’il n’a pas les moyens de porter à seul le poids des charges que représente le Sahel (ce qu’il fait déjà sans l’avouer), mais surtout déplacer son curseur sur le développement et la démocratie. Au Tchad, l’opinion n’a pas oublié que ce sont des avions de Barkhane qui ont volé au secours du régime en proie à une colonne de rebelles il y’a bientôt un an.

Même si sur le plan diplomatique et stratégique, la France, contrairement à ce que dit Macron, doit et continuera à rester au Sahel, l’attitude de Paris vis-à-vis des pouvoirs en place comme celui d’Idriss Déby conditionnera le regard que les populations porteront sur elle. Pour l’heure, il y’a plus d’éléments pour alimenter le french bashing que le contraire. A ne pas l’admettre, Paris risque de se retrouver tôt ou tard dans une situation similaire à la Centrafrique où, sans crier gare, les Russes se sont incrustés. Ironie de l’histoire, pendant que Macron a convoqué les chefs d’Etats du sahel pour leur demander s’ils voulaient bien se faire aider pour résoudre un problème créé par l’Etat français, Moscou recevait les protagonistes du conflit libyen. Tout un symbole…

La Rédaction