Edito

Le mensonge et nous

Le mensonge et nous 1

Scène cocasse sur le plateau de Electron Tv mercredi soir. Au cours d’un débat dans l’émission ’’vérités politiques’’, Saleh Kebzabo recadre Kassiré Coumakoye qui affirmait avoir enseigné Succès Masra alors que celui-ci n’a pas fait ses études supérieures au Tchad où l’ancien Premier ministre aurait pu le croiser en amphithéâtre. La scène a amusé la toile, mais démontre en vérité le niveau d’immoralité qu’a atteint notre société incarnée par la classe politique. «J’ai été induit en erreur». Cette phrase, devenue courante dans la bouche du chef de l’Etat prouve si besoin est qu’au plus haut sommet, on ment comme on respire…

On ment pour nuire à l’adversaire, on ment pour entrer dans les bonnes grâces du prince, on ment pour atteindre un objectif, servir une cause qui n’est pas toujours l’intérêt général, au point où on se demande si tous, n’ont retenu de Hoderer, le personnage de Jean-Paul Sartre que la maxime selon laquelle, il faut renoncer à toute éthique quand il s’agit des intérêts. Ont-ils tous lu ’’Le Prince’’ de Nicolas Machiavel à l’envers?

La brève histoire politique du Tchad est truffée de mensonges. De Tombalbaye à Idriss Déby, il n’y a point eu de travail scientifique qui établisse une vérité scientifique sur les responsabilités de chaque acteur. La production existante se limite à des témoignages qui ne reflètent que des perspectives personnelles avec le risque évident de subjectivité qu’il comporte. En témoigne la récente polémique au sujet de l’ouvrage coécrit par le député Béral Mbaikoubou et Succès Masra. Polémique au cours de laquelle, la cohorte de ceux qui n’ont pas lu l’ouvrage, et ils sont les plus nombreux, a laissé libre court à ce que notre société a de plus abject. La haine est le fruit de l’inculture et de l’ignorance abyssale dans lesquels se trouve une frange importante de notre société. C’est cette partie de notre société qui est la plus perméable au discours obscurantiste, à l’histoire déformée et qui cède facilement à la tentation kleptomanique dans une société où les figures de réussite ne sont en vérité que de sombres crapules.

Une société sans éthique où le vice a droit de cité est une société qui va à vau l’eau. Comme l’ont constaté les évêques dans le message de noël, «dans notre pays, la politique est souvent identifiée par la population au mensonge et à l’enrichissement illicite, alors qu’elle devrait être un moyen fondamental pour promouvoir la citoyenneté et les projets de l’homme (…) Mais si la politique n’est pas vécue comme un service à la population, dans le respect du droit, mais plutôt comme un moyen de domination et d’enrichissement par ceux qui l’exercent, elle devient un instrument de division et d’oppression». Tel est le Tchad aujourd’hui. «Le Tchad que nous voulons», comme l’a titré avec un brin d’ironie, le très sérieux prélat. Comme une invitation à une remise en cause pour sauver ce qui peut l’être encore dans cet héritage commun. Bonne et heureuse année 2020.

La Rédaction