Politique

Antoine Bangui sort de son silence

Antoine Bangui sort de son silence 1

Dans un communiqué de presse, l’écrivain et homme politique tchadien des années 70, Antoine Bangui Rombaye sort de son silence pour dénoncer la situation politique dans son pays et appelé à l’organisation d’une conférence nationale inclusive avec des concours neutres de puissances étrangères pour jeter les jalons d’un Etat véritablement Républicain.

C’est une sortie visiblement rare pour cet homme politique qui s’est volontairement mis à l’écart depuis belle lurette mais qui suit de près la situation politique de son pays. Homme de lettre, Antoine Bangui dénonce le passage en force d’une succession autoproclamée par le Conseil militaire de transition après le décès du Maréchal du Tchad Idriss Déby Itno, dans le mépris et le déni des textes constitutionnels. « Cette manœuvre grotesque, visant à pérenniser un pouvoir militaire clanique, a néanmoins le mérite de mobiliser toutes les composantes du peuple tchadien qui ensemble réclament un consensus constructif permettant l’avènement d’un pouvoir démocratique », note l’écrivain qui dénonce avec véhémence la répression des manifestations contre la junte au pouvoir et la formation hâtive d’un gouvernement qui ne répond pas selon lui aux attentes des populations.
Ironisant sur la promesse du défunt président dès son arrivée au pouvoir en 1990 (« Je ne vous apporte ni or ni argent mais la démocratie !»), il assure que « le peuple tchadien n’a vu ni l’or noir du pétrole, ni la démocratie promise. La multiplicité des partis furent des leurres pour donner le change ».
Dans les faits, insiste-t-il, « le dé-tricotage systématique des résolutions de la Conférence nationale souveraine, les remaniements de la constitution, la succession des élections truquées donnant l’illusion de la démocratie, ont permis à Idriss Déby Itno, en dernier ressort de s’octroyant le titre de Maréchal, de rester à la tête du pays pendant trente ans, sans alternance possible ».
Tout en demandant l’ouverture d’enquête sur les circonstances de la mort du Maréchal Idriss Déby Itno, il assure que le Tchad n’est plus celui du début des indépendances africaines, sous la tutelle occulte et manœuvrière de la Françafrique. « La période flamboyante du colonialisme et du néocolonialisme est terminée, les médias soumis au pouvoir n’ont plus le monopole d’une information qui actuellement se propage à la minute près dans les zones des plus reculées de notre vaste pays et partout sur la planète. Notre jeunesse, formée dans les universités d’Afrique, d’Europe, d’Amérique et d’Asie, capable d’analyser les données politiques, économiques, sociales, environnementales, a compris l’utilisation pacifique de ces nouvelles formes de communication qui n’ont pas de frontières », informe-t-il.
Il salue la mobilisation de la jeunesse, revendiquant les droits qui sont la base de tout Etat démocratique, ceux de s’exprimer et de manifester librement, celui d’avoir une justice indépendante du pouvoir. « Demandons-nous pourquoi, en soixante ans d’indépendance, le Tchad, malgré le courage de son peuple, son potentiel économique et son pétrole, est classé sur l’échelle du développement humain au 187ème rang sur les 189 pays que compte les membres des Nations Unies », s’interroge Antoine Bangui Rombaye. Pour lui, les raisons sont entre autres la mauvaise gouvernance, l’appropriation des richesses sans retombées sur les populations, le népotisme, la corruption, la pruderie de nos politiques plus aptes à se servir qu’à servir le pays.
Le Tchad, martèle-t-il, est à un tournant de son histoire et il est hors de question de quarteron de généraux, fussent-ils quinze, de décider du sort de tout un peuple.
« C’est aux Tchadiens de décider de leur sort »
Pour décider de leur devenir de leur pays, les Tchadiens doivent s’asseoir autour d’une même table pour tracer des nouvelles voies. « Je pense, je crois, j’ose espérer que tous, Tchadiens de l’intérieur comme de la diaspora, pouvons-nous réunir pour en débattre ensemble dans l’enceinte d’une conférence nationale inclusive qui pourrait rapidement avoir lieu avec le concours neutre, j’insiste sur cette neutralité, de puissances étrangères qui doivent comprendre qu’à ce stade tout peut basculer, que notre pays le Tchad, dont ils connaissent l’importance sur le plan stratégique, risque de devenir une poudrière imprévisible, vite incontrôlable, si l’on persiste à mettre le couvercle sur ses aspirations légitimes », a-t-il prévenu.
Pour cela, il demande aux partenaires du pays notamment l’Union Européenne, les Nations-Unies, l’Union Africaine à se charger du financement et de l’organisation de ces assises « de manière à éviter les manœuvres occultes bilatérales susceptibles d’annihiler à plus ou moins brèves échéances les décisions prises ».

Stanyslas Asnan