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« Investir en faveur de la résilience et de la sécurité alimentaire mène à la paix » Abebe Haile-Gabriel

« Investir en faveur de la résilience et de la sécurité alimentaire mène à la paix » Abebe Haile-Gabriel 1

Dans une région en proie à des conflits, la hausse du nombre des personnes souffrant de la faim ne laisse présager rien de bon. En effet, la faim est repartie à la hausse en Afrique, ce qui sape les acquis et remet en cause les efforts fournis ces dernières années.

Ces dernières années ont en effet vu des conflits récurrents dans la région. Rien qu’en 2018, il y a eu plus de 90 conflits en Afrique, soit le quart des conflits ayant survenu dans le monde. Des conflits ayant lieu dans dix pays africains ont laissé des millions de personnes dans une situation d’aide alimentaire d’urgence. De plus, des centaines de milliers ont dû rapidement fuir leurs foyers et abandonner leurs moyens de subsistance contre leur gré.

La plupart de ces moyens de subsistance sont basés sur l’agriculture, et l’émergence des conflits a des conséquences graves qui changent la vie des personnes touchées. Les conflits détruisent les systèmes alimentaires, déciment les cultures et les ressources animales et provoquent une perte d’actifs et de revenus pour ceux qui vivent de l’agriculture. Ils entraînent ainsi l’insécurité alimentaire, la malnutrition et la faim.

Les personnes vivant dans les pays touchés par un conflit sont plus susceptibles de vivre dans l’insécurité alimentaire et de souffrir de la malnutrition. En ce qui concerne les pays africains, la prévalence de la sous-alimentation est environ deux fois et demie plus élevée dans les pays touchés par une crise prolongée que dans d’autres contextes relatifs au développement. Les résultats nutritionnels sont également pires pour les pays ayant connu une situation de conflit, où près de 122 millions, soit 75 pour cent des enfants présentant un retard de croissance, ont moins de 5 ans.

De plus, les conflits nuisent aux économies nationales. En Afrique, l’agriculture représente une part importante du produit intérieur brut (Pib), emploie plus de la moitié de la main-d’œuvre totale et fournit des revenus de subsistance aux petits agriculteurs qui constituent environ 80 pour cent de la population totale. Lorsque surviennent des conflits, les activités agricoles sont perturbées, ce qui entraîne un chômage massif des jeunes, des déplacements, des conflits et des troubles.

Les conflits produisent un effet domino. Ils entraînent l’insécurité alimentaire et la malnutrition, qui sont à leur tour des multiplicateurs de conflits, en particulier dans les États fragiles. Ce cycle incessant peut perdurer si aucune action collective n’est prise.

Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 appelle à une approche de transformation qui vise une meilleure collaboration en matière de prévention et de règlement des conflits. L’Agenda 2063 de l’Union africaine a également parmi ses priorités la paix et la sécurité dans le but de repositionner l’Afrique sur une voie durable de transformation et de développement.

L’engagement des dirigeants africains à changer la situation a été confirmé dans la Déclaration de Malabo de 2014 sur «la croissance et la transformation accélérées de l’agriculture pour une prospérité partagée et de meilleures conditions de vie», dans le cadre du Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine (Pddaa). L’objectif d’éliminer la faim en Afrique à l’horizon 2025 figure en bonne place parmi les engagements prioritaires de la Déclaration de Malabo, et met l’accent sur le fait que la paix et la stabilité sont les conditions préalables essentielles pour atteindre cet objectif.

C’est dans ce contexte que l’Union africaine a choisi comme thème de l’année 2020 «Faire taire les armes: créer des conditions propices au développement de l’Afrique». En tant que projet phare de l’Agenda 2063, cette initiative aurait un plus grand effet sur la promotion de la paix et de la stabilité en Afrique, dans le but de mettre fin à toutes les guerres et conflits civils, pour atteindre des objectifs de développement concrets, notamment l’éradication de la faim.

La Fao et ses partenaires ont un rôle clé à jouer pour soutenir l’initiative «Faire taire les armes». La Fao est prête à exploiter le potentiel de l’agriculture pour faire sortir de la pauvreté un grand nombre de personnes pauvres dans les milieux ruraux et contribuer ainsi à la paix et à la sécurité. Dans le cadre de son initiative phare «Main dans la main», la Fao vise à collaborer activement avec les pays membres et les partenaires au développement pour prendre des mesures ambitieuses en faveur de la réalisation des Odd relatifs à l’éradication de la pauvreté, de la faim et de la malnutrition grâce à une transformation accélérée de l’agriculture et au développement durable. L’initiative offre la possibilité d’utiliser les outils les plus avancés disponibles, y compris la modélisation et l’analyse géo spatiales avancées, dans le but d’améliorer le ciblage et une meilleure adaptation des interventions en matière de politiques, l’innovation, la finance et les investissements, et de parvenir à une réforme institutionnelle en adoptant une approche globale.

En collaboration avec le gouvernement de la République fédérale démocratique d’Éthiopie et la Commission de l’Union africaine, la Fao organise en marge du Sommet de l’Union africaine de cette année un événement parallèle de haut niveau sous le thème «Des partenariats « Main dans la main « en faveur du maintien de la paix grâce à l’amélioration de la sécurité alimentaire et de la nutrition en Afrique.» L’événement se penchera sur le rôle essentiel des investissements inclusifs et des solutions innovantes en faveur des systèmes résilients en matière d’alimentation et d’agriculture, qui rendraient possible une paix durable, qui à son tour sera essentielle pour freiner l’augmentation de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition en Afrique. La Fao, la Cea et l’Union africaine lanceront également à l’occasion de l’événement parallèle la publication phare «Vue d’ensemble régionale de la sécurité alimentaire et la nutrition en Afrique», qui présente les effets des conflits et d’autres facteurs tels que les chocs climatiques ainsi que les ralentissements de la croissance et les fléchissements économiques sur la situation de la sécurité alimentaire sur le continent.

La Fao exprime sa gratitude au gouvernement du pays hôte, la République fédérale démocratique d’Éthiopie, dont le Premier ministre est lauréat du Prix mondial de la paix 2019, et à la Commission de l’Union africaine, pour sa collaboration avec la FAO dans l’organisation de cet événement.

Abebe Haile-Gabriel, sous-directeur général et représentant régional pour l’Afrique de la Fao