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«En saisissant le Conseil constitutionnel, nous exerçons notre devoir de résistance»

«En saisissant le Conseil constitutionnel, nous exerçons notre devoir de résistance» 1

«En saisissant le Conseil constitutionnel, nous exerçons notre devoir de résistance»

Le député Matoingué Benelngar du groupe parlementaire Undr et vingt cinq (25) autres viennent de saisir le Conseil constitutionnel pour un recours en annulation de la Loi constitutionnelle portant adoption de la Constitution de la 4ème République. A travers cette interview, le député du Far/Pf donne les raisons de cette initiative et parle de ce qu’il attend du conseil constitutionnel.

Vos collègues de l’opposition et vous-mêmes avez déposé un recours en annulation de la Loi Constitutionnelle adoptée le 30 avril dernier. Peut-on savoir le mobile de votre acte ?

Le gouvernement semble avoir une lecture spécieuse de la procédure, malgré qu’il ait dit que ce texte épouse l’air du temps et renforce l’efficacité de la gestion des institutions de la Républiques. La légitimité de l’adoption de ce projet de loi par voie parlementaire est sujette à caution. En saisissant le Conseil constitutionnel, c’était la question de la légitimité qui nous intéresse. La légitimité de l’adoption de ce projet de loi par voie parlementaire pose de sérieux problèmes. Nous estimons que sur la base de l’alinéa 2 de l’article 222 de la Constitution en vigueur, le rôle de l’Assemblée nationale devrait se limiter au vote du principe de la révision et l’adoption de la nouvelle Constitution doit nécessairement être soumise au vote populaire. C’est pourquoi en introduisant ce recours devant le Conseil constitutionnel nous en appelons au souverain arbitrage des sages afin qu’une application saine de la loi fondamentale soit observée par l’ensemble des acteurs et dans l’optique d’éviter un coup dure à notre jeune démocratie. Pour nous, il n’est pas tard de mieux faire et le droit doit être dit dans toute sa plénitude parce que cette loi fait la part belle à un système incubateur qui a trait au tribalisme et au régionalisme, pourtant condamnés et rejetés par le peuple Tchadien. En allant devant le Conseil constitutionnel, nous cherchons à ce que le droit soit dit parce que nous ne sommes pas d’accord avec la procédure enclenchée par le gouvernement. Cette procédure biaisée a amené à l’adoption de la Constitution créant la 4ème République. C’est la raison de ce recours. L’annulation nous permettra de repartir vers le peuple souverain qui devrait donner son quitus ou non à cette 4ème République voulue par Idriss Déby. Il faut comprendre que le Tchad n’est pas une boutique de fleurs dont la gestion devait se faire de cette manière. Il faut qu’il y ait au moins un respect envers ceux qu’on est appelé à gouverner et que ce respect soit mutuel pour que le pays sorte grandit. La majorité des députés de l’opposition signataires de la présente requête veulent que le droit soit dit afin d’éviter au Tchad des régresse demain et que la Constitution en vigueur soit respectée.

Le préambule de la Constitution dit clairement qu’en cas de manipulions de la Constitution qui est la loi fondamentale, le peuple doit s’opposer. En saisissant le Conseil constitutionnel, nous exerçons notre devoir de résistance.

Sur quelle base juridique, vous vous fondez pour estimer que le droit est de votre côté ?

Vu les arguments de droit et de faits étayés dans notre requête, je crois que les sages ont toute l’attitude de se prononcer dessus en toute quiétude. Nous ne pouvons pas aller devant le conseil constitutionnel bras ballants. J’ai dit tantôt que nous avons saisi le Conseil constitutionnel en conformité avec les dispositions des articles 161,165 et 22 de la Constitution en vigueur et de l’article 156 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Ensuite, la loi fondamentale adoptée par l’Assemblée nationale le 30 avril est incontestablement une nouvelle Constitution et ne saurait être assimilée à une simple modification constitutionnelle soumise à l’article 122. Pour une nouvelle Constitution comme c’est le cas d’espèce, l’avis du peuple doit être sollicité à travers un referendum. Le concept de présidentialisme intégral élaboré par un parti politique dans le cadre de son programme politique et adopté au forum par des courtisans, vise à concentrer les pouvoirs de l’Etat entre les mains d’un seul individu, en l’occurrence le président de la République. Cela se traduit par la suppression des institutions de partage de pouvoir ou de contrôle telle que la Primature ou la domestication des organes juridictionnels à savoir le Conseil constitutionnel, le Cour des comptes, la Haute cour de justice, etc. Mais aussi et surtout la mise sous coupe réglée du pouvoir judiciaire exclusivement placé sous l’autorité du président de la République à travers la désignation de plus de la moitié de ses membres.

La 4ème République proclamée sans consultation préalable du peuple par le président de la République, annonce la suppression du régime de la séparation des pouvoirs et annihile tout mécanisme de contrôle de l’exercice du pouvoir et garantie l’impunité à ceux-là même qui exercent seuls le pouvoir. D’ailleurs, le législateur actuel, qui a adopté cette loi fondamentale a prorogé son mandat, il est donc illégitime.

Propos recueillis par Guidjindandi Djono.