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Rétrospective: 2023, année de ‘‘Réconciliation politique’’

Rétrospective: 2023, année de ‘‘Réconciliation politique’’ 1

De la contestation de la Conorec à l’organisation du référendum constitutionnel, en passant par l’accord de principe de Kinshasa, l’année 2023 a été moins violente par rapport aux années précédentes où les gaz lacrymogènes et armes létales étaient régulièrement au rendez-vous.

Politiquement, le début de l’année était plutôt morose. Les Tchadiens vivaient encore dans la peur et psychose suite aux événements du 20 octobre 2022. Les partis politiques qui ont appelé à cette manifestation ont été suspendus. Profitant de l’absence des autres poids lourds de la scène politique tel que le parti les Transformateurs, le Mouvement patriotique du salut (Mps) a entamé une tournée dans le but de vulgariser les résolutions du Dialogue national inclusif et souverain (Dnis). Les quelques rares partis politiques «libres» étaient aphones.

Vers la fin du mois de janvier 2023, les membres de la Commission nationale chargée de l’organisation du référendum constitutionnel (Conorec) ont été désignés par le Président de transition, Mahamat Idriss Déby. Une nomination qui a fait sortir certains leaders politiques de leurs gongs. Plusieurs partis politiques dont le Rassemblement national des démocrates tchadiens (Rndt-Le Réveil) de l’ancien Premier ministre, Pahimi Padacké Albert, ont contesté cette Conorec créée et dirigée par le gouvernement de transition. Des contestations qui se sont limitées qu’à des communiqués et points de presse et qui n’ont pas empêché la mise en place de cette commission.

Pendant que règne un climat de terreur sur la scène politique tchadienne, le Président de transition, Mahamat Idriss Deby, entame une tournée dans les 23 provinces du pays. Cette tournée qui ressemble à une campagne présidentielle avant la date a souvent été teintée de « fausses promesses ».

Les mesures de grâce

Autres faits marquants de cette deuxième phase de transition sont les mesures de grâce prises par le Président de transition.

Après les évènements du 20 octobre 2022, des centaines de jeunes, certains déportés au bagne de Koro-Toro ont été jugés et condamnés par la justice tchadienne. Pour décrisper le climat politique tendu et sous pression de la communauté internationale, le Président de transition, Mahamat Idriss Deby a signé des décrets pour les gracier. Même si les organisations de défense des droits de l’homme et les victimes attendent toujours justice, ces mesures qui ont permis la libération des survivants, ont été saluées. Malheureusement, à l’occasion de la fête de Ramadan, le Président de transition, Mahamat Idriss Deby, est devenu “victime” en pardonnant les “coupables” (manifestants), qui sont en réalité des vraies victimes à qui on doit demander pardon.

L’accord de Kinshasa et le retour des Transformateurs

Le 31 octobre 2023, sous les hospices du Président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, facilitateur désigné par la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac), le gouvernement de transition, représenté par le ministre de la réconciliation nationale, Abderaman Koulamallah et celui de la communication Aziz Mahamat Saleh, signe un accord de principe dit Accord de Réconciliation avec le président du parti Les Transformateurs Dr Succès Masra à Kinshasa.

Un accord diversement apprécié par la classe politique et les organisations de la société civile.  Pour les uns, cet accord sacrifie la mémoire des victimes du 20 octobre 2022 et annihile toute action judiciaire. Pour les autres, c’est un accord stratégique. Car il permet aux exilés de rentrer et l’amnistie général de tous ceux qui sont impliqués dans les évènements du 20 octobre, favorisant ainsi leur éligibilité aux futures échéances électorales.

Dans la foulée, Dr Succès Masra et ses compagnons de lutte qui étaient aussi en exil rentrent à N’Djamena. Le mandat d’arrêt international lancé contre lui est levé et une loi d’amnistie a été adoptée en conseil extraordinaire des ministres et votée par les conseillers nationaux.

N’étant plus inquiété par la justice le Président des Transformateurs, Dr Succès Masra lance une caravane dans la zone méridionale du Tchad. De Sarh à Bongor, il a prôné la réconciliation mais dans la justice et l’égalité. Succès Madras a appelé ses partisans et militants à voter la nouvelle constitution soumise au référendum. Selon lui, le Oui mettra terme à cette transition qui a trop duré. Cette caravane de réconciliation qui a drainé une grande foule devrait se poursuivre dans la zone septentrionale avant la fin de l’année mais elle a été reportée pour des raisons de santé du président des Transformateurs.

Référendum constitutionnel : entre le boycott et le Non, le Oui l’emporte

Depuis les préparatifs du référendum, tout le monde savait que le «oui » allait l’emporter mais il faut y aller quand même. La campagne qui a commencé le 25 novembre a divisé les leaders politiques. Trois camps se dégagent. Il y avait le camp du Oui, composé des partis politiques qui soutiennent le gouvernement de transition, avec tous les moyens nécessaires pour battre campagne. Ils ont défendu bec et ongles l’Etat unitaire fortement décentralisé et diabolisé la Fédération.

En face, il y a les fédéralistes qui ont prôné le Non. Moins nantis, ils se sont contentés de la capitale mais aussi quelques grandes villes du pays. Pour le camp du Non, « le centralisme à outrance du pouvoir a eu comme corolaire le sous-développement, la mal-gouvernance et la dictature depuis exactement 63 ans. Les tenants du pouvoir et les leurs se sont accaparés de tout. Ils ont confisqué tout, y compris la liberté d’entreprendre, de créer et de produire. Le système unitaire pratiqué a fait des tchadiens des otages dans leur propre pays ».

De l’autre côté, il y a ceux qui prônent le boycott. A leur tête, le Pr Avocksouma Djona, Max Kemkoye, Pahimi Padacké Albert et bien d’autres. Pour eux, il ne faut pas participer à ce référendum. «Restez chez vous le 17 décembre », ont-ils défendu.

Un message qui semble être entendu. Le 17 décembre, les Tchadiens ne sont pas sortis voter. Un boycott observé sur l’ensemble du territoire national. Mais la Commission nationale chargée de l’organisation du référendum constitutionnel (Conorec) a proclamé résultats provisoires du scrutin référendaire du 17 décembre 2023 comme suit : inscrits : 8 237 768, votants : 5 251 668 bulletins nuls : 285 324 ; suffrages exprimés : 4 966 348. Votes “Oui” pour le projet de constitution : 4 270 897 soit 86% ; votes “Non” pour le projet de constitution : 695 461 soit 14%. Pour un taux de participation au référendum : 63,75%. Et malgré les appels à invalider ces résultats, la Cour suprême confirme sans grande modification (85,90% de oui contre 14,10%).

Nadjita Namlengar