Economie

Intégration des services financiers en Afrique

Intégration des services financiers en Afrique 1

Intégration des services financiers en Afrique

Un objectif déterminant de l’Union Africaine est de promouvoir le développement durable aux niveaux économique, social et culturel ainsi que l’intégration des économies africaines. Ce noble mandat, consacré dans l’article 3 des actes constitutifs de l’UA, est en fait antérieur à l’UA, et a été l’objectif principal de l’Organisation de l’Unité Africaine, l’OUA, l’organisme prédécesseur de l’UA.

L’intégration économique a également donné une impulsion fondamentale à la formation de différentes communautés économiques régionales, CER, et des zones monétaires en Afrique – notamment CEDEAO, UMOA, CEMAC, CEEAC, EAC, AMU, CEN-SAD, SADC, COMESA, IGAD, etc. Ensemble, ces CER s’emploient à promouvoir et à coordonner l’intégration sociale, politique et économique sur le continent. Il est intéressant de noter que certains pays sont même membres de deux ou trois CER, ce qui témoigne de la criticité globale de l’intégration économique dans la vision, les plans et les activités des Etats africains.

Dans ce traité, je me concentrerai sur l’intégration des services financiers en Afrique, un domaine peu connu, mais où des résultats remarquables sont enregistrés. Un système de paiement est un facilitateur des transactions monétaires et un véritable nœud de l’intégration. Dans la zone UEMOA, en Afrique de l’Ouest, le Groupement Interbancaire Monétique de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine, plus largement connu sous le sigle GIM-UEMOA, créé par la BCEAO, la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest en 2003, dans le cadre de ses efforts tendant à créer une région dominée par la monnaie numérique, est devenu une plateforme régionale pour les cartes, les paiements électroniques et la compensation des transactions interbancaires. Avec plus de 100 banques, institutions financières et postales membres, les titulaires des cartes du réseau GIM, paient des frais de transactions relativement faibles.

En outre, l’équivalent de l’Afrique centrale, GIMAC, créé en 2013, sous la direction de la Banque centrale d’Afrique centrale, BEAC, travaille avec les banques pour intégrer le système de paiement électronique dans la région et assure l’interopérabilité et l’acceptation des Cartes de GIMAC aux GAB, TPE, etc., par les banques et pour les paiements internationaux, et réduire les coûts des transactions et de gestion de l’encaisse, tout en facilitant le commerce électronique.

 

Le système de paiement de l’Afrique de l’Est, EAPS, constitue une plateforme pour le règlement en temps réel des paiements transfrontaliers dans la région. Sous la conduite des banques centrales de la région et à l’issue du test pilote en 2013, le système de paiement a été immédiatement déployé au Kenya, en Ouganda, en Tanzanie puis au Rwanda. Il est plus remarquable que le système EAPS soit basé sur la convertibilité directe et l’utilisation des monnaies des pays participants pour les transactions et le règlement, sans la facilitation intermédiaire d’aucune monnaie de l’OCDE. Par exemple, les transactions initiées en shilling tanzanien peuvent être réglées directement en shilling ougandais ou le shilling kenyan.

En Afrique australe, le système de règlement électronique régional intégré, SADC (SIRESS), et le système régional de paiement et de règlement, REPSS, lancés séparément en 2014, sont deux systèmes de paiements intégratifs de référence. Grâce à SIRESS, les fonds peuvent être transférés, en temps réel, aux bénéficiaires détenteurs de comptes dans les banques commerciales membres de SIRESS. REPSS, avec un centre de compensation au Zimbabwe, et la Banque centrale de Maurice comme banque de règlement, utilise une plateforme électronique pour les paiements et les règlements transfrontaliers.

De manière très positive, ces initiatives, opérationnalisées sous les auspices des banques centrales avec la participation active des banques commerciales sont technologiquement avancées, rapides et sécurisées. Tout en s’appuyant sur les systèmes de règlement brut en temps réel des pays, elles visent à améliorer l’efficacité, à réduire le temps de règlement, à réduire le coût des transactions et à faciliter généralement le commerce intra-africain et l’intégration économique sur le continent.

En général, le secteur bancaire en Afrique, s’est développé exponentiellement au cours de la dernière décennie, en termes de taille d’actifs et de rentabilité, de géographie – canaux de distribution et réseau, sophistication des offres – de services bancaires numériques, de cartes, de paiements mobiles, et d’inclusion financière. L’accès aux services financiers continue de s’améliorer sur l’ensemble du continent. En outre, en s’appuyant sur une capacité améliorée, les banques panafricaines sont de plus en plus capables de financer de manière collaborative de grosses transactions et de grands projets transformationnels d’infrastructure par le biais de syndications et de partage de risques. Actuellement, les 20 principales banques panafricaines ont des actifs de plus de 800 milliards de dollars, avec un réseau de plus de 11 000 agences. Au-delà des banques, nous avons également assisté à la naissance et à la croissance de compagnies d’assurances, d’institutions de microfinance et d’autres entreprises de services financiers panafricaines à travers le continent qui offrent une plus grande diversité et des offres et solutions de plus en plus sophistiquées. Tout cela a entraîné une augmentation de la gamme, de la fréquence et de la diversité dans les catégories de risques auxquelles font face les banques et les autres institutions financières. Parallèlement, la gestion des risques, la conformité à la réglementation et la gouvernance d’entreprise sont devenues plus strictes et d’une application onéreuse, car elles demeurent des variables importantes pour évaluer la santé des banques, dans un souci de viabilité et de durabilité globales du secteur.

D’une manière imperceptible mais certaine, l’environnement réglementaire du secteur des services financiers, a également connu une intégration. L’Association des banques centrales africaines, dont le siège est à Dakar, regroupe 39 banques centrales régionales et nationales en Afrique. Conformément à ses statuts et à ses pratiques, son Assemblée des gouverneurs se réunit chaque année pour délibérer sur la stabilité du système financier, l’intégration des systèmes monétaires et de paiements, les initiatives de la Banque centrale africaine, etc. Une autre branche critique est la Communauté des superviseurs bancaires africains (CABS) qui s’active pour renforcer les politiques de réglementation et de surveillance bancaires. Au cours de la dernière décennie, j’ai observé, d’une part, cette collaboration accrue entre les banques centrales africaines, avec la signature de protocoles d’entente pour faciliter la supervision transfrontalière, l’échange d’idées et le partage d’informations entre les régulateurs du pays d’accueil et ceux du pays d’origine. En outre, le Collège des superviseurs créé par la Banque centrale du Nigéria, en tant que forum regroupant les régulateurs des pays d’accueil des banques ayant leur siège au Nigeria et des filiales dans d’autres juridictions, pour renforcer les pratiques de gouvernance et assurer la solidité dans le secteur bancaire, est également un développement positif.

Une tendance évolutive dans l’espace bancaire africain est l’initiative de relier l’Afrique et permettre aux clients d’une banque d’accéder facilement à leurs comptes, déposer de l’argent et effectuer des retraits de chèques dans n’importe quelle agence, dans différents pays d’Afrique, où la banque opère, au-delà du pays de domiciliation du compte. Cela a la capacité distincte de modifier le visage et le fonctionnement de la banque sur le continent car cela permettra d’ouvrir le continent et d’y faciliter la circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes. J’aimerais également bientôt voir arriver le jour où, par exemple, lorsqu’un producteur d’engrais marocain qui négocie en Zambie un contrat pourra, sur acceptation des conditions de paiement, immédiatement émettre un instrument de paiement à un exportateur zambien de matériaux d’emballage de haute qualité et obtenir sur place de la valeur en utilisant des instruments de paiement électroniques simples.

Dans l’ensemble, ces tendances émergentes contribuent de manière significative aux processus africains en cours pour la création d’une infrastructure financière panafricaine puissante et dynamique pour approfondir et améliorer les interactions économiques, commerciales et sociales panafricaines par l’accès aux ressources financières personnelles et commerciales à travers l’Afrique. Ensemble avec les différentes initiatives similaires dans différentes sphères des communautés économiques africaines identifiées ci-dessus, ces initiatives servent de puissant signal pour la marche de l’avancement économique de l’Afrique grâce à la facilitation financière afin de construire un système financier entièrement intégré qui renforce l’inclusion financière et serve les gens.

Il reste encore du travail à faire. Pour accélérer l’intégration financière, les mécanismes et les politiques régionaux existants, y compris ceux mentionnés ci-dessus, doivent maintenant commencer à les rassembler et à les fusionner dans des systèmes panafricains plus vastes, banques centrales, monnaies communes, paiements et encaissements, facilitation du commerce intra-africain, etc. Malgré les différences existantes, mais compte tenu de l’importance et de la fluidité des financements de l’agriculture, l’infrastructure, l’industrie et le développement économique, les plus grandes économies de chaque région sont considérées comme des piliers régionaux, dans le cadre d’une politique définie par l’Assemblée de l’Union africaine.

Par Emeke E. IWERIEBOR

 

 

Emeke E. Iweriebor est Administrateur exécutif du groupe UBA et Directeur de UBA Africa – Francophone