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Elle rêvait d’architecture mais fini médecin

Elle rêvait d'architecture mais fini médecin 1

Première femme médecin infectiologue au Tchad, Dr Oumaima Mahamat Djarma évolue dans un cercle restreint où elle est connue pour son franc-parler et son talent hors norme. A l’occasion de la célébration de la journée internationale de la femme, votre hebdomadaire revient sur le parcours de cette amazone qui incarne la réussite au féminin.

C’est toute petite alors qu’elle rêvait de devenir architecte que Dr Oumaima, influencée par son père choisi de devenir médecin. « Il me disais : chaque famille devrait avoir un médecin et pour la nôtre, j’ai décidé que ce sera toi. J’étais triste au début parce que je voyais mon rêve s’envoler. Puis je me suis dit que c’était honorable venant de mon père de me confier, moi une fille, cette lourde responsabilité qui est d’être le médecin de la famille. Au final, je suis une architecte dans l’âme, car j’ai pu concevoir la vie qui me sied le mieux », raconte-t-elle le sourire en coin.

Admise à la faculté de médecine du centre hospitalier universitaire, « le bon samaritain » de Walia après l’obtention de son baccalauréat, la jeune dame sort nanti d’un diplôme de médecine générale et s’envole 3 ans plus tard pour l’Université Houphouet Boigny d’Abidjan où elle se spécialise en maladies infectieuses et tropicales. « Avant ma spécialisation, j’ai d’abord exercé en tant que médecin généraliste au CHU le bon samaritain et à l’hôpital de la Renaissance de N’Djaména où je faisais le suivi des patients infectés par le Vih. D’où mon intérêt pour les maladies infectieuses », informe -t-elle.

En 2020, son retour au pays coïncide avec l’apparition des premiers cas de Covid-19. Ce qui fut pour l’infectiologue, le plus grand baptême de feu. Affectée au ministère de la santé, à la direction de la lutte contre les maladies et la promotion de la santé, elle participa à toutes les activités de lutte contre la pandémie, notamment le suivi des voyageurs jusqu’à la prise en charge des patients infectés. « J’ai ’ai aussi participé à la riposte sur le terrain contre les épidémies de chikungunya à l’Est du Tchad et celle de la grippe AH1N1. J’ai été réquisitionnée pour la prise en charge médicale des cas à l’hôpital provincial de Farcha où je faisais la visite, les gardes et les consultations et j’intervenais aussi dans le service des maladies infectieuses au CHU le bon samaritain. Aujourd’hui je suis considérée comme une référence nationale pour la prise en charge des cas de Covid-19 et j’en suis fière », se réjouit- elle.

Sur la question de l’égalité homme/femme, elles estime que le chemin est encore loin. « Je pense que nous sommes très loin d’une équité et d’une égalité entre les hommes et les femmes au Tchad », précise-t-elle.

Fervente défenseure des droits de la femme, Dr Oumaima admet qu’il est complexe de se frayer un chemin dans ce milieu professionnel en tant que femme dans un pays aussi conservateur que le Tchad. Pour elle, le code de la famille doit subir des modifications drastiques qui prendront en compte de façon plus exhaustive les droits de la femme au Tchad . « En toute sincérité, je pense que nous sommes très loin d’une équité et d’une égalité entre les hommes et les femmes au Tchad. Les conditions de vie de la femme tchadienne restent précaires tant du point de vue de son rôle dans la société que du plan professionnel. Les droits de la femme sont systématiquement bafoués et ceci même au plus haut niveau de l’Etat et de la magistrature » explique -t-elle avant d’ajouter « Dans notre milieu, des boutades et des rigolades sexistes sont monnaies courantes, heureusement j’ai la peau bien tannée ».

Rendant un vibrant hommage à toutes les mères qui se battent pour la scolarisation de leurs filles, la jeune médecin exhorte ses sœurs à être ambitieuses et de prendre leur destin en main. « Ma maman s’est battue pour moi, cette lutte m’a permis de me réaliser et d’être celle que je suis aujourd’hui, un exemple pour mes petites sœurs. Certes, le parcours sera parsemé d’embûches. Vous allez entendre des commentaires du style : une femme ne doit pas faire des longues études, mais ne vous découragez point. Le fait d’être une femme ne peut être un obstacle à vos ambitions, au contraire c’est parce que vous êtes une femme que vous allez, que vous devez réussir », encourage-t-elle.

Actuellement inscrite pour un Master en épidémiologie et bio statistique à l’Institut africain de santé publique à Ouagadougou, Dr Oumaima Mahamat Djarma du haut de ses 1m 73 envisage consacrer une partie de sa vie à lutter contre les tabous qui retardent son pays . « J’ai fortement contribué à la lutte contre la transmission du Vih de la mère à l’enfant en faisant tomber un tabou qui consistait à solliciter le consentement de la femme enceinte afin de lui réaliser un dépistage du Sida. Ce qui m’a value en 2013 une communication orale dans un grand congrès sur le Vih en Afrique du Sud et je ne compte pas m’arrêter là », conclu- t-elle.

Fakeugnba Kedai Edith