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La prise en charge de la malnutrition au Tchad, notre défi commun

La prise en charge de la malnutrition au Tchad, notre défi commun 1

Au Tchad la malnutrition est devenue un problème permanent de santé. A N’Djaména, le taux de prévalence globale a dépassé le seuil de 2% de 2014 à 2019. Les Ong médicaux, notamment Alima Alerte santé et Médecins Sans Frontière (Msf) font des prises en charge notamment à l’unité nutritionnelle thérapeutique (Unt) de l’hôpital de l’amitié Tchad – Chine.

Situé à Diguel dans le 8ème arrondissement de N’Djaména, l’unité nutritionnelle thérapeutique (Unt) de l’hôpital de l’amitié Tchad-Chine (Hatc) est mise en place par l’Ong Alima-Alerte Santé en 2015. Dans cet espace, chaque jour, 51 personnes travaillent d’arrache-pied pour sauver la vie des enfants malnutris. Médecin réfèrent, médecins traitants, infirmiers soignants, infirmiers consultants, assistants nutritionnels, promotrices de la santé et techniciens de surface, chacun apporte sa pierre.
Ce mardi 1er septembre 2020, 65 cas d’hospitalisation sont enregistrés, tous des enfants qui n’ont pas encore fêté leur 5ème anniversaire. Les yeux rougis, les doigts asséchés, la peau qui colle aux os, gonflement du ventre sont les symptômes visibles. Certains sont sous sonde tel est le spectacle auquel on assiste en arrivant sur les lieux. Sur les regards des mamans se lit l’angoisse.
« Ici, nous prenons en charge les cas de malnutritions compliquées jusqu’à ce que l’enfant retrouve le poids requis pour sortir et être pris en charge dans les unités nutritionnelles ambulatoires (Una). Ce matin, 65 enfants sont en hospitalisation », explique Dr Ganda, le médecin réfèrent. « A l’admission les infirmiers font du triage, de l’évaluation et du traitement d’urgence (Tetu) en fonction de cas spécifique d’enfant », ajoute Ahmat Mahamat, infirmier en service. Cette phase permet aux infirmiers de prendre les paramètres de santé et établir les statistiques du jour.
Depuis le début de l’année 2020, 1153 cas de malnutrition sont enregistrés à l’Unt de l’hôpital de l’amitié Tchad-Chine, soit en moyenne 35 enfants par semaine. Pendant la période de pic, les lits sont débordés. « La semaine dernière nous avons enregistré 86 cas d’hospitalisation pour une capacité de 80 lits. Alors que les nouveaux cas étaient notifiés, nous étions dans l’obligation de les référer dans d’autres Unt », souligne le médecin.
Catégorisation de prise en charge
Il existe des cas de malnutrition dit ‘’spéciaux’’ qui concernent les enfants de moins de 6 mois victimes du déficit alimentaire. « La prise en charge des cas spéciaux est spéciale et nécessite beaucoup d’attention. Les enfants sont suivis chaque heure autant que possible selon les rotations des médecins traitants. Ils bénéficient des soins intensifs tels que les transfusions sanguines ou la réanimation. Le pesage se fait chaque trois heures pour voir la masse de l’enfant. Aussi, les paramètres de santé tels que la tension, la fréquence cardiaque, la fréquence respiratoire sont surveillés instantanément », explique Dr Ganda.
Pour les enfants âgés de plus de 6 mois qui sont sous soins intensifs sont nourris du lait F-75 chaque trois heure jusqu’à la phase de transition où l’enfant retrouve l’appétit et référé dans une Una pour la prise en charge ambulatoire. Dans cette phase de transition les enfants sont nourris du lait F-100 ou du plumpunet. « Chaque enfant reçoit 8 fois le lait F-75 et 6 fois le lait F-100 en 24 heures selon le type de traitement. Qu’il soit sous soin intensif ou dans la phase de transition », précise Ahmat infirmier soignant. Si la santé du patient ne s’améliore pas après un long traitement, le personnel soignant effectue les tests des maladies chroniques telles que le Vih-Sida ou la tuberculose pour administrer un soin spécifique à l’enfant. Les promotrices de la santé s’occupent de la sensibilisation au quotidien des mères sur les différentes techniques de prise en charge ainsi que leur rôle à jouer pour la santé de leurs enfants.
Les causes multiples aux conséquences néfastes
La malnutrition demeure un problème de santé publique multisectoriel au Tchad. Plusieurs facteurs expliquent sa persistance. On peut citer entre autres l’environnement, les moyens d’existence, l’eau et l’hygiène etc.
« La malnutrition au Tchad s’explique par le déficit alimentaire en quantité et qualité, une faible couverture sanitaire qui se traduit par une faible couverture vaccinale de certaines maladies chroniques », explique le Dr Hinberka Yanonet Sodjé, coordinateur des projets médicaux à Alima-Alerte Santé. S’ajoutent à cela d’autres facteurs liés aux comportements des mères qui ne font pas les visites prénatales quand elles ne font pas des grossesses trop tôt, trop rapprochées, trop nombreuses et trop tard. La question de la diversification alimentaire demeure un problème majeur pour les ménages. « Certaines familles donnent à l’enfant le même repas que mangent les grandes personnes alors qu’ils n’ont pas les mêmes tube digestif », s’indigne Dr Ganda. « Manger chaque jour le même aliment ou manger chaque jour de la viande ne signifie pas bien manger », renchérit le Dr Hinberka Yanonet Sodjé.
« La malnutrition aigüe sévère entraine la mort précoce de l’enfant. Pour certains cas dits modérés, l’enfant retrouve la santé mais accuse un retard de croissance physique et intellectuelle. Ceci entraine une perte pour le pays parce que ceux-ci ne participent probablement pas au développement du pays », fait remarquer Dr Hinberka Yanonet Sodjé.
Le défi de la prise en charge
La prise en charge efficace de la malnutrition nécessite une réponse multisectorielle et communautaire. Au-delà des problèmes de financement de projet des Ong médicaux impliquées dans la lutte contre la malnutrition, il faut de la sensibilisation. « La problématique de la malnutrition elle-même est mal comprise, alors que c’est un problème qui concerne tous les secteurs », déplore Dr Hinberka Yanonet Sodjé.
La question de la malnutrition doit faire partie du paquet minimum de service de santé publique, malheureusement il se pose un problème de prise en charge dans les structures de santé publique. Pour répondre à ce défi, Alima-Alerte Santé met en œuvre depuis 2013 le projet médico-nutritionnel pour la prise en charge de la malnutrition dans la ville de N’Djamena. « Le projet a permis d’appuyer plusieurs Una dans les structures de santé publique et privés à N’Djamena entre 2013 et 2015. Puis la création effective de l’Unt de l’hôpital de l’amitié Tchad-Chine en 2015 » explique Dr Masra Ngaradoum coordinateur de projet N’Djamena à Alima-alerte santé.

Bienvenu Daldigué